Jarvis Cocker, l’ancien leader de Pulp, nous revient avec Further Complications, Un album plus collectif et plus rock, produit par Steve Albini.

« Si j’avais fait une vraie carrière dans la musique, j’aurais voulu être Jarvis Cocker« , nous soufflait un disquaire quelques minutes avant qu’on rencontre l’ancien leader de Pulp dans un café bruxellois. De fait. Même barbu, le quadra de Sheffield, désormais installé à Paris, a la classe. Aussi bien pour écrire des chansons que pour évoquer Further Complications. Un deuxième album plus ou moins solo fondamentalement rock, direct, immédiat et incisif.

Vous présentez ce nouvel album comme plus collectif que le précédent. Pourquoi le sortir sous l’étiquette Jarvis Cocker?

Parce que sinon, j’aurais dû réfléchir à un nouveau nom de groupe. On aurait peut-être pu trouver un truc du genre Jarvis Cocker et je ne sais pas quoi… J’espère que je n’ai pas blessé mes musiciens. Ils ont contribué à faire de ce disque ce qu’il est. Je pense qu’ils sont relativement mis en évidence dans le livret. Pour Jarvis, j’avais écrit les chansons seul. Dans l’isolement. Quand on se retrouve tous ensemble dans une pièce, je peux jouer mes bribes d’idées et laisser chacun les interpréter. Il s’agit d’une manière beaucoup plus rapide de travailler. De faire grandir de petites choses. Les 11 chansons de Further Complications se sont développées en trois jours de jams et d’essais. J’aurais mis un an si je n’avais dû compter que sur moi-même.

Quels sont vos disques préférés du mythique Steve Albini qui vous a produit?

Je n’en connais pas beaucoup je dois avouer. Le seul que j’ai vraiment entendu, c’est In Utero de Nirvana. Son travail ne m’est pas très familier. L’idée de bosser avec lui vient de Steve Mackey (qui accompagnait déjà Jarvis à l’époque de Pulp). Nous allions jouer à Chicago et Albini possède un studio là-bas. Je me suis dit pourquoi ne pas essayer. Ses tarifs sont plus que raisonnables. Il a des convictions éthiques par rapport à la manière dont on gère ce genre d’endroit. Il n’accorde pas la préférence à un groupe ou à un autre parce qu’il a un grand nom ou beaucoup de pognon. Peu importe que tu sois un artiste local ou une célébrité. Tu as réservé une semaine. Tu en as besoin de deux. Tu attendras en fonction de la disponibilité des lieux… Je connaissais son nom, sa réputation plus que sa musique et celle qu’il a produite. Nous sommes de la même génération. Il est vraiment dévoué à l’underground, à une idée alternative de la vie. Il est encore et toujours convaincu que les groupes devraient maîtriser leur propre destin et ne pas se laisser contrôler par les majors. Il veut garder cet esprit indépendant vivant. Avec Pulp, nous avons commencé comme un groupe indé mais pour certaines raisons, nous avons voulu devenir pop. Ce qui ne m’a pas rendu plus heureux. En bossant avec lui, j’ai en quelque sorte renoué avec mes racines. En plus, il aime jouer aux cartes…

Il y a dix ans, vous déclariez que la plupart de vos idées germaient quand vous rouliez à vélo. Elles viennent quand maintenant?

Encore régulièrement quand je pédale. C’est l’essence de la créativité. Pour permettre aux idées de sortir de ton subconscient, tu dois occuper ton esprit à autre chose. Des chansons peuvent aussi naître pendant que j’arrose les plantes ou que je prends un bain. Les activités qui ne nécessitent pas trop d’activité cérébrale permettent de percevoir ce qui nous entoure sans se l’imposer. Quand tu es distrait, ça permet parfois à la réalité de s’échapper. Je regrette de ne pas en savoir davantage sur la théorie du cerveau droit et du cerveau gauche. Bref, pour ne rien oublier, j’ai toujours ce petit calepin avec moi. J’y couche des idées plus ou moins abouties. Des phrases quelques mots. From Different Class to Business Class, c’est le nom de mon autobiographie que j’espère sortir pour les fêtes de fin d’année.

Le dernier album de Pulp était considéré comme un disque d’écologiste. Vous pensez vos chansons sur votre becson. Vous êtes un musicien « vert »?

Plus ou moins. J’ai fait un voyage jusqu’au Groenland en septembre dernier avec le projet Cape Farewell qui invite des personnalités du monde de la création pour éveiller les consciences sur le réchauffement climatique. J’étais vaguement au courant de ce qui se passait. Comme tout le monde. Et là, j’ai pu discuter avec des scientifiques. Voir ce qui était en train de disparaître. Je me suis senti tout petit. Mais pas sans espoir.

Je vois déjà un signe de votre comportement écolo. Vous écrivez au recto et au verso sur les pages de votre carnet.

Et en plus, j’utilise un crayon. Donc si je veux, je peux effacer… Au bout je griffonne des numéros de téléphone et la liste des courses.

Est-ce que vous attendez toujours des désastres pour avoir quelque chose sur quoi écrire?

Oui. C’est terrible. C’est ce que j’essaie d’expliquer sur la première chanson de l’album. Nous n’avons pas vécu de guerre depuis longtemps. En l’absence de crise, nous nous en inventons. Nous créons des conflits. Des problèmes. Allez en boîte de nuit, prenez cinq ecsta et ce sera Waterloo dans votre tête. C’est aussi la question que pose un festival comme Glastonbury. Pouvez-vous aller dans ce champ en Angleterre? Prendre plein de drogues, boire encore plus de bières, et plus ou moins survivre avec un cerveau intact?

Vous avez dû recevoir des propositions énormes, voire indécentes, pour reformer Pulp. Envisageable?

Physiquement cela reste possible tant que nous sommes tous en vie. J’aimerais bien assister à un des concerts de Blur pour voir ce que ça donne. l

En concert à l’Ancienne Belgique le 6/06.

Further Complications, chez Rough Trade.

Entretien Julien Broquet.

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