HOLLYWOOD, USINE À RECYCLER? LES REMAKES EN TOUS GENRES S’Y MULTIPLIENT EN TOUT CAS COMME RAREMENT AUPARAVANT. SURVOL.
David Fincher signant une version américaine de The Girl with the Dragon Tattoo, 3 ans à peine après l’original suédois de Niels Arden Oplev, voilà qui peut surprendre a priori, mais qui s’inscrit dans l’une des tendances hollywoodiennes du moment, celle au grand recyclage, qui concerne aussi bien les sequels et autres prequels, que les remakes désormais produits à la chaîne. Si l’on verra, dans l’ampleur du phénomène, l’expression de la crise d’inspiration que traversent les studios, en même temps que d’un désir de capitaliser sur des succès quasi assurés (à l’£uvre également dans les adaptations à répétition de comics) rien de totalement neuf, pour autant, sous le soleil californien.
Au vrai, le remake y est une pratique aussi vieille pour ainsi dire que le parlant, et qui a vu, par exemple, le Pépé le Moko de Duvivier n’attendre que quelques années pour devenir, en 1938, le Algiers de John Cromwell, ou encore La Chienne de Renoir se transformer en Scarlet Street devant la caméra de Fritz Lang. On en passe, et de non moins célèbres, parmi lesquels on pointera même divers auto-remakes -Hitchcock pour The Man Who Knew Too Much ou Leo McCarey revisitant, à 18 ans d’écart, Love Affair sous le titre An Affair to Remember, pratique encore adoptée tout récemment par Michael Haneke pour Funny Games.
Entre-temps, le remake s’est multiplié sur divers fronts: celui du patrimoine, d’abord, avec les remises au goût du jour de classiques hollywoodiens, dont on pourrait décliner les exemples à l’infini: Scarface, de Hawks, revisité par DePalma; Cat People, de Tourneur, par Schrader; The Manchurian Candidate en versions Frankenheimer et Demme; les émanations successives de King Kong; Psycho, de Hitchcock encore, reproduit plan pour plan par Van Sant; et jusqu’aux Coen brothers s’attelant, tout récemment, à une variation, toute personnelle, au départ de True Grit, déjà adapté en son temps par Hathaway.
Supérieur à l’original
L’autre manne, ce sont donc les productions étrangères dont le succès dans leurs pays d’origine n’attend qu’à être reconduit aux Etats-Unis, en version américaine s’entend, questions de particularismes et d’appoint de stars du cru notamment. Là encore, l’exhaustivité est un leurre, tant les exemples pullulent, des Sept Samouraïs de Kurosawa se transformant en Magnificent Seven, à Sophie Marceau et Christa Theret se muant pour leur part en Demi Moore et Miley Cirus pour les besoins de L.O.L. Dans l’intervalle, tout ou presque a apporté farine au moulin du remodelage, A bout de souffle de Godard devenant Breathless pour Jim McBride, La Femme infidèle de Chabrol se faisant Unfaithful sous les traits de Diane Lane pour Adrian Lyne, la Nikita de Besson se muant en Nina pour John Badham, etc. Qui se souvient aujourd’hui que True Lies de James Cameron est un remake de La Totale! de Claude Zidi? Ou que Vanilla Sky de Cameron Crowe et Abre los ojos d’Alejandro Amenabar n’ont pas que Penélope Cruz en commun? Jusqu’à Martin Scorsese qui aura dû attendre de s’atteler à un remake, celui de Infernal Affairs d’Andrew Law, rebaptisé The Departed entre Hong-Kong et les Etats-Unis, pour enfin accrocher l’Oscar qu’il convoitait depuis des lustres.
Autant dire que la pratique (qui n’est d’ailleurs pas totalement à sens unique, voir, par exemple, De battre mon c£ur s’est arrêtéde Jacques Audiard, remake de Fingers de James Toback) a conquis ses lettres de noblesse. David Fincher vient, pour sa part, de démontrer qu’un remake pouvait tout à fait se révéler passionnant, et supérieur à l’original. A vérifier sur pièces dans les prochains mois, avec les sorties annoncées de L’arnacoeur US, du Old Boy de Park Chan-wook revisité par Spike Lee , de Crime d’amour à la sauce DePalma; jusqu’aux Ch’tis qui devraient désormais se décliner en Sticks…
TEXTE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS
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