« Rage », un spectacle toute colère dehors

© dr

Avoir la rage. Dire la rage. Entendre la rage. Émilienne Flagothier hurle la violence subie par les femmes, que l’on a lourdement tendance à taire.

L’envie folle de faire violence à ceux qui nous la font, la violence. Celle, ordinaire, subie par les femmes. Rage, c’est une succession de plusieurs scènes parlées/mimées de violences quotidiennes. Sur le plateau, quatre comédiennes incarnent tant les femmes que les hommes. Bite collée au front ou moustache sous le nez pour ces derniers. La scénographie est simple et complexe à la fois: du bleu au sol, du blanc en monticules de plâtre. Des corps étendus? L’ébauche d’un autre monde? Le travail de la plasticienne Camille Lavaud: “J’ai voulu travailler avec une autre artiste, une plasticienne, qui apporterait un autre angle artistique que celui du théâtre”, explique à ce sujet Émilienne Flagothier, créatrice du spectacle. Un écrin naturel et brut pour ses scènes d’ une brutalité quotidienne, en finesse et sans en avoir l’air. “Je voulais faire un spectacle qui ne parle pas d’histoire de mecs. Et, je me suis rendu compte que j’ai mis beaucoup de temps à nommer ma colère, poursuit Émilienne. Pendant le confinement, j’ai voulu travailler sur les émotions, et je me suis aperçue que je ne leur laissais pas de place. J’avais plein de problème avec les hommes de mon entourage, à cause de cette colère, je n’arrivais pas à me mettre dans le relationnel. J’étais beaucoup dans des milieux féministes, sans homme, ou avec peu d’hommes. Et quand je revenais dans le monde normal, ma colère revenait. Je me suis dit qu’il fallait que je déclenche cette colère. Le plateau est un lieu idéal pour ça. Parce que si on n’exprime pas cette colère, on la retourne contre soi. Ça devient de la tristesse, de la dépression, du mal envers soi.

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Kill Bill

Alors, dans ce décor allusif, entreront, puis sortiront des femmes qui attendent le bus et se font alpaguer par un connard siffleur; une femme au lit avec son compagnon qui s’endort quand elle raconte son mal-être; des épiciers lubriques et une jeune femme prise au piège de leurs “attentions”; un homme qui tente de se mettre à la place de la femelle qu’il domine pourtant; un mec incapable de se rappeler ce qu’il faut acheter pour le repas qu’il a promis de préparer…

Cliché? Bateau? Peut-être. Sauf que ces femmes violentées “gentiment” vont se rebeller… méchamment. S’emparer de la violence subie pour la rendre. Au plateau, lieu où tout peut se produire. Craquer les nuques, émasculer, frapper jusqu’à ce que mort s’ensuive, empoisonner, zigouiller, niquer, trucider… Avec bruitages explicites, réalisés en direct en bord de plateau par les comédiennes qui ne jouent pas la scène.

Et ça, malgré quelques hésitations gestuelles parfois, Rage s’avère jouissif et cathartique. Ça fait se lever, s’interroger et se rebeller. Ça fait rire. Réfléchir aussi. C’est Kill Bill, version théâtre. C’est la violence qu’on doit pour venir à bout de ce qui range et ronge les femmes.

Rage, d’Émilienne Flagothier, du 13 au 14/03 à Mars, Mons; et du 04 au 08/04, au Théâtre National, Bruxelles.

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