Qui va piano…

Tim Presley sort White Fence de son sommeil et signe une déclaration d’amour à San Francisco en même temps qu’un journal de désintox.

Il y a quelques jours, dans son forcing pour la construction de son fameux mur entre les États-Unis et le Mexique, Donald Trump attaquait Nancy Pelosi, chef de la majorité démocrate à la Chambre des représentants et lui recommandait de nettoyer les rues répugnantes de San Francisco où elle réside. Tim Presley ne désavoue pas le président mais cette crasse, apparemment, il s’y sent bien. « Le sol de ma rue est jonché de verre cassé, de clous et d’aiguilles, d’épingles et de pisse.Il y a de belles fleurs cependant, écrivait-il en annonçant son nouvel album. Le bruit des bus, des voitures et des voix se mêle dans ma tête en un charmant bourdonnement.Cette ville est maintenant un taureau constamment harcelé par le torero. Ce dernier n’a de cesse de taillader. Ça me va… pour le moment… en dépit de tout ça.Je peux vraiment ressentir cette ville, et ce qu’elle a dit à tant d’autres.En tant qu’humain, et en tant que fantôme. »

Après avoir vécu une dizaine d’années à Los Angeles où s’était d’ailleurs exilée une bonne partie de la scène musicale de la ville chère à Karl Malden, à Michael Douglas et à tous les hippies, White Fence est reparti s’y installer. Son nouvel album I Have to Feed Larry’s Hawk est même une lettre d’amour à Frisco. Entre autres. Le titre du disque est une référence à toutes ces bêtes qui nous dévorent et qu’on nourrit. L’addiction, l’amour, l’excitation, l’ego, l’enthousiasme, le malheur, le quotidien… Et vient de recoins aussi sombres que le stress, la douleur, la confusion et la culpabilité.

Qui va piano...

À la Syd Barrett…

Deux disques de Drinks avec Cate Le Bon ( Hermits On Holiday et Hippo Lite), un album avec Ty Segall ( Joy) et un autre sous son propre nom ( The Wink)… Presley n’a jamais disparu des radars. Mais mine de rien, I Have To Feed Larry’s Hawk est le premier White Fence depuis 2014 et For the Recently Found Innocent. Loué, dans tous les sens du terme, pour ses talents de guitariste que ce soit par The Fall, Devendra Banhart ou les Strange Boys, Presley est aussi un formidable songwriter et un chanteur singulier.

Ses nouveaux morceaux ont d’abord germé à Staveley. Une petite ville du nord de l’Angleterre où pendant que Le Bon suivait des cours d’ébénisterie, l’Américain a commencé à composer comme il pouvait sur son piano. Dès le titre d’ouverture qui a donné son nom au disque, Presley semble chanter de l’au-delà. À tout le moins des limbes. Ça divague. Beau, répétitif, flottant. Une espèce de trip à la Syd Barrett avec toujours aussi quelque part le fantôme des Kinks… Pas vraiment rock (à l’exception de Neighborhood Light), parfois très dépouillé ( I Can See You), il pourrait même s’écouter comme un journal musical racontant comment Presley a décroché des opioïdes. Ni clean ni lo-fi, cette merveille se termine sur un gros quart d’heure d’ambient au synthé. Deux espèces de méditations inspirées par… Sun Ra, Terry Riley, Hiroshi Yoshimura et Suzanne Ciani. Un must.

Tim Presley’s White Fence

« I Have to Feed Larry’s Hawk »

Distribué par Drag City/V2.

8

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