Quel avenir pour les émissions scientifiques?

C'est pas sorcier © DR
Nicolas Bogaerts Journaliste

Historiquement nées de l’importance de saisir les enjeux du monde, les émissions scientifiques traversent une phase de transition, alors que les réponses à toutes les questions sont à portée de clic.

Au début des années 80, plusieurs chaînes adoptent une approche scientifique grand public dans des programmes spécifiques capables de transmettre les connaissances et, par-là même également, de donner une image palpitante des métiers scientifiques et de la recherche. L’idée en vogue, c’est la vulgarisation, la simplification des connaissances et des résultats engrangés par la recherche, afin de les rendre accessibles à tous.

Patrice Goldberg.
Patrice Goldberg.© DR

Impossible de passer sous silence l’importance d’une émission culte telle que Temps X (1979, TF1). Même si la personnalité des frères Bogdanoff divise à juste titre, cette émission qui a surfé sur le succès planétaire de la science-fiction a eu le mérite d’amener un doux mélange de culture populaire, de sciences et de futurisme à l’heure du goûter. De la longue liste d’émissions qui ont voulu tracer semblable sillon mêlant l’apprentissage au ludique, émergent L’aventure des plantes I et II (TF1, 1982 et 1986) et son générique mythique signé Joël Fajerman, La Planète Miracle (1988, France 2), Club Sciences (1991, TF1), E=M6 (1991, M6), X: enius(Arte, 2009), ou encore Matière grise (1998, RTBF).

Vulgarisation vs élitisme

Parmi toutes ces propositions télévisuelles, C’est pas Sorcier fait office de référence dans la rencontre avec le public francophone. Diffusée de 1993 à 2014, souvent rediffusée depuis, l’émission doit beaucoup aux fameuses maquettes de Jamy Gourmaud. Malgré le succès de la plupart de ces émissions, la question émerge avec la régularité d’un serpent de mer: la télévision est-elle le lieu pour la vulgarisation scientifique? Continuer à toucher le public qui entre dans une adolescence cernée de réseaux, de sollicitations et de satisfactions immédiates, serait une illusion.

Au procès en élitisme qui frappe ce type d’émission, Patrice Goldberg, créateur et présentateur de Matière Grise, qui fête son retour le 25 janvier sur La Une par l’inauguration d’une nouvelle formule, répond par l’évidence: « Il ne faut jamais oublier que la science est présente partout, tout autour de nous. Nous sommes plongés dedans et dès lors, elle nous concerne. Quand on est enfant, on est extrêmement curieux. Comme les chercheurs, l’enfant pose des questions sur le pourquoi, le comment des choses. Cette curiosité, c’est l’état d’esprit fondamental de la science. Il faut donc expliquer la science sans dire que c’est de la science, montrer des phénomènes pour susciter l’émerveillement. » D’après lui, cet état de curiosité propre à l’enfance s’estompe souvent durant l’adolescence, ce moment clé qui est le temps de la confrontation avec le cadre, notamment les programmes scolaires contraignants. « Il faut se débarrasser de cette idée à vrai dire vieillotte que les sciences sont des équations, des théorèmes, des formules rébarbatives… »

Le gène mutant de l’émission scientifique

Quel avenir pour les émissions scientifiques?
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On ne conçoit plus une émission scientifique comme il y a 20 ans. Le monde, la réalité quotidienne et l’offre évoluent sans cesse et avec une rapidité croissante. Génération zapping, réseaux sociaux, télé-réalité, smartphones, etc. Comment opérer la mue qui va maintenir l’intérêt? Le choix de thèmes plus adaptés aux réalités quotidiennes, plus impliquants? De nouveaux modes de narrations? « Tout cela est important mais plus que tout il faut que la forme soit au service du fond. Ensuite, nos narrations doivent évoluer. Le rythme de nos émissions a changé, les choix techniques ont changé, la manière de bouger les caméras, les timings, les lieux de tournage… et puis il y a le « journalisme croquette », qui permet de picorer: les chroniques psy, En plein dans le mille et ses expériences grandeur nature, la séquence docu-fiction Quarx et La Minute de Léandri. L’intention de tout cela, c’est de faire comprendre que c’est pas si compliqué, que ça peut être fun. »

L’avenir de la vulgarisation scientifique à la télévision semble lié au destin de la télévision publique, qui, d’après l’Union Européenne de Radiodiffusion, est plus ou moins la seule à la mettre en avant dans son cahier des charges: « Au sein de l’UER, nous sommes persuadés que les valeurs de transmission de la connaissance sont primordiales. Nous traversons des périodes difficiles, nous avons besoin de ces éclairages sur les phénomènes complexes qui se produisent autour de nous, comme le clonage, les OGM, etc. Il est indispensable de parvenir à les éclairer en suscitant l’intérêt, la curiosité, sans cynisme publicitaire, de montrer que c’est complexe mais pas compliqué, que c’est passionnant et qu’en s’intéressant à ce genre de choses, on peut changer le monde.« Voir dans le service public le dernier acteur capable de rendre compte de ces enjeux scientifiques, c’est un sacré pari sur l’avenir.

MATIÈRE GRISE, MERCREDI 25 JANVIER À 23H05 SUR LA UNE.

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