C’est le premier pari audacieux -qui a dit fou?- de 2014. De fait, lancer un magazine à destination des 15-25 ans à l’heure où cette tranche d’âge semble avoir définitivement rangé le papier et la lecture au rayon de la préhistoire ressemble furieusement à une opération kamikaze. C’est un peu comme vouloir vendre des lunettes à un aveugle. Sauf que Pulp -c’est son nom- a des arguments qui pourraient titiller la curiosité des digital natives -et pas qu’eux d’ailleurs-, soumis à un matraquage incessant de photos, de vidéos ou de pubs.

« Les images ont la parole! » Le slogan choisi par le nouveau trimestriel français annonce la couleur. L’équipe qui pilote cette revue culturelle postmoderne, soit un attelage hétéroclite de journalistes, de sociologues, d’iconoclastes, d’historiens, de publicitaires et d’artistes, entend « mettre en scène, décrypter et faire parler les images qui constituent notre culture visuelle« . Autrement dit, prendre le pouls de la société par l’intermédiaire du médium dominant de l’époque. A chaque numéro son thème. Décortiqué, disséqué par tous les bouts iconiques de la lorgnette. La question des genres, du féminin-masculin, essuie les plâtres. Un sujet porteur qui cristallise justement toutes les ambiguïtés des représentations des deux sexes. Souvent pour les figer dans des moules en granit. Les textes alternent entre sérieux (un dossier sur l’évolution de l’image de la femme depuis le XIXe) et loufoque (ce cabinet des curiosités où défilent ces petits signes qui trahissent les clichés), le tout largement abreuvé de références à l’Histoire de l’art et à la culture populaire. Au sens noble. Le jeu de la séduction est par exemple démonté à travers une séquence d’Une femme est une femme de Godard. Sans surprise, les illustrations, souvent vintage, jalonnent les 128 pages du mook. Si le souci de pédagogie dilue parfois l’encre, le parti pris est résolument intello. On ne prend pas le lecteur pour un con. On le conduit en douceur et avec humour à s’interroger, à travers les séries télé, les médias, les concours de mini-miss ou les « héroïnes classiques mais déchaînées« , sur la définition et les frontières des genres. Sans tabous. Mais avec un sens aiguisé du décalage.A l’unisson du fond, la maquette soignée joue la carte d’une élégance graphique rétro, ouverte à tous les courants freaks et cédant volontiers à la parodie, comme dans cette rubrique people déjantée. D’où ce léger paradoxe: le culte de l’image sert de pendule à une publication qui est censée en dévoiler la mécanique…

Plus que les 15-25 ans, ce sont sans doute leurs parents ou les profs qui seront d’abord séduits par ce voyage arty au pays des images. En conseillant ensuite Pulp à leurs enfants ou leurs élèves, ils n’auront pas l’air ringards pour une fois.

?PULP, EN VENTE DANS LES (BONNES) LIBRAIRIES À PARTIR DU 9 JANVIER AU PRIX DE 16 EUROS. QUATRE NUMÉROS PAR AN.

WWW.REVUE-PULP.FR

Laurent Raphaël

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