Critique | Musique

Primal Scream, le retour

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

More Light, 10e album gorgé de mantras extatiques et de chansons protestataires est aussi le premier disque hors défonce et alcool du groupe. Vive la sobriété.

Schématiquement, la carrière de Primal Scream a, jusqu’ici, cultivé deux voies: une autoroute de la défonce symbolisant l’Angleterre sous ecsta des années 90 et une vénération parodique des Stones période Exile On Main St. Les deux branches de cette connexion à forte densité pharmaceutique se trouvant fusionnées dans leur classique Screamadelica paru à l’automne 1991. Ensuite, la bande va un peu s’égarer, y compris dans le blitzkrieg sonique de XTRMNTR (2000), la dernière livraison discographique –Beautiful Future en 2008- étant d’un hybride sans éclat. Pour le dixième disque, Gillespie a voulu javelliser l’épaisse couche d’apathie qui recouvre l’époque en posant des questions sanguines: « Où sont les voix en colère? Où se trouve la protestation? » OK, Bobby ne regarde peut-être pas régulièrement le bordel planétaire aux infos mais il est clair qu’au rayon « rock », la production stylistiquement moribonde des années 2000 frôle aujourd’hui la vacuité idéologique intégrale. La vraie bonne idée de More Light est de ramener un peu de colère et de (non)sens(e) en élargissant parallèlement les épaules musicales du groupe. Avec le producteur nord-irlandais David Holmes -connu pour ses travaux épiques-, Primal Scream propose 69 minutes d’éclectisme approfondi. Avec une prépondérance pour les formules sinusoïdes, le karma lysergique et les rythmes -lâchons le mot- défoncés. Gillespie ayant personnellement arrêté l’alcool et les substances légalement proscrites il y a cinq ans -vous apprécierez le paradoxe.

Sun Ra

Cela commence par 2013, neuf minutes de ritournelle orgiaque alimentées par un orgue gras et le riff tout aussi huileux d’un sax virulent. On zone entre le psychédélisme vintage et la boîte à malices moderne. Bon conditionnement au River Of Pain qui déboule alors, princier sous son intro d’orientalisme pop feutrée, les castagnettes (ou la douche qui fuit, difficile à dire) construisant un crescendo malin et vaporeux. A ébullition, vers les trois minutes, la chose se met à tanguer bizarrement pour muter vers une sorte d’impro dantesque à la Sun Ra, virant ensuite à l’irruption de cordes hollywoodiennes, avant de revenir au beat initial et à la thématique de la chanson, l’expérience d’une mère coincée avec ses enfants dans un pic de violence. Celle-ci est forcément culturelle (Culturecide) et potentiellement sournoise (Walking With The Beast). Après une demi-douzaine de plages et 234 sonorités diverses, gavé du multipistes, on sent bien le déjà trop-plein: le disque aurait gagné en virant deux ou trois morceaux du listing final. Mais la consistance et la maniaquerie finissent par l’emporter. D’autant qu’au générique fin, It’s Alright, It’s OK, mélange de gospel, de T. Rex et de Stones, a tout du tube de l’été. Pop, ensoleillé, ludique, presque futile mais rafraîchissant après la traversée de terres en feu et autres incandescences primales.

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PHILIPPE CORNET

Primal Screan, More Light, ****

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