Pourquoi Sex Education n’est pas une série comme les autres

La grande force de Sex Education: dédramatiser (ici, de gauche à droite, Aimee Lou Wood, Emma Mackey et Asa Butterfield).

Dans le florilège des séries ado, Sex Education dénote par son franc-parler sur un sujet pourtant sensible. La deuxième saison poursuit son étude des sexualités juvéniles, sans tabou mais pas sans humour.

Enfin une série qui parle aux adolescents -et aux adultes- de leur sexualité, sans caricature, avec bienveillance et entre deux éclats de rire. Aucun non-dit ne peut se faufiler dans le script de Sex Education. La série stipule bien qu’il n’y a pas de tabou, pas de honte en matière de sexe. C’est le Dr Jean Milburn (Gillian Anderson), la mère du héros Otis (Asa Butterfield), qui l’affirme et libère la parole en premier. Et pour cause, elle est sexologue. Une libération presque castratrice lors de la première saison -comédie oblige- puisque l’on découvre Otis en ado si complexé qu’il n’arrive pas à se masturber. Peut-être parce que sa mère, une femme libre et désinhibée, lui rappelle un peu trop souvent les bienfaits des plaisirs en solitaire. Mais les enseignements maternels ayant infusé, Otis ouvre un cabinet de sexologie clandestin au sein de son lycée et vient en aide à ses camarades en pleins questionnements et ébullitions hormonales. En ce début de deuxième saison, le voilà qui découvre les joies de la masturbation et se livre à cette nouvelle activité à corps perdu. Et bien sûr, son désir se manifeste aux moments les moins opportuns. C’est là que réside la grande force de Sex Education. Dédramatiser. Faire rire. Et communiquer. Aussi, on ne s’étonnera pas de voir un jeune garçon gay, Rahim (interprété par le Français Sami Outalbali), dessiner un schéma pour expliquer comment faire un lavement, étape nécessaire avant un rapport anal. Lily, elle, obsédée par l’idée de perdre sa virginité, évoque aussi sans complexe son problème de vaginisme. Cette communication fait toute la différence en comparaison avec les autres séries sur l’adolescence. Ici, on parle de sexe en toute confiance et en dévoilant son intimité, ses sentiments et en s’ouvrant à la possibilité d’être vulnérable. Il est heureusement loin le temps de Dawson, où la perte de la virginité de Jen (Michelle Williams) faisait d’elle une fille dévergondée.

Inclusivité totale

À l’heure où les séries sont de plus en plus conscientes de l’importance des représentations et de la visibilité des minorités, Sex Education fait un sans-faute. Tout le spectre de la sexualité y est représenté: hétéro, bi, gay, lesbienne, asexuel… Personne n’est oublié, garantissant à chacun de se reconnaître dans un ou plusieurs personnages. Cette approche est d’autant plus importante que l’adolescence est un âge fait de questionnements, où toutes les combinaisons semblent possibles. On appréciera en particulier l’évolution du personnage d’Adam, présenté comme une brute épaisse au début de la série. La découverte douloureuse de sa bisexualité se transforme en cheminement vers l’acceptation de soi qui, bien que semé d’embûches, le conduit à la libération. À l’instar du drame Euphoria, la récente série HBO avec Zendaya, Sex Education s’inscrit dans cette volonté de banaliser les identités ou les orientations sexuelles. Toutes deux détricotent l’idée d’une norme excluante pour en réinventer une nouvelle, plurielle et inclusive.

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Changement d’échelle

Là où les teen dramas, comme 13 Reasons Why, sont souvent avides de sujets graves tels que la mort ou le viol -thèmes trop sombres pour la comédie guillerette britannique-, cette deuxième saison fait une mise au point salutaire sur les agressions sexuelles, à travers un arc narratif subtil qui suit le personnage d’Aimee. Un matin, dans un bus surchargé, un homme se frotte contre elle et éjacule sur son jean. Au départ, Aimee regrette surtout que son pantalon préféré ait été ainsi souillé mais considère cela comme un simple incident, une réaction soulignant la banalité de ce type d’agressions dans le quotidien d’un grand nombre de femmes. Il faudra l’intervention de sa meilleure amie Maeve (Emma Mackey) et de tout un groupe de filles pour qu’Aimee prenne conscience de la gravité de son agression, laquelle a des répercussions sur sa vie sexuelle. Par ce type de réajustement très juste, Sex Education rappelle aussi souvent que nécessaire le besoin indispensable du consentement avant toute interaction sexuelle.

Positivisme forcené

A contrario des récentes séries qui parlent sans détour de la sexualité adolescente, comme Skins au Royaume-Uni ou Les Grands en France, Sex Education s’accroche férocement à la comédie. Une nuance qui change tout, surtout par son approche débarrassée des oripeaux du drame. Sex Education s’abandonne à une ambiance solaire, tout en étant drôle et sérieuse à la fois. C’est un vrai tour de force qui permet par exemple à la série de présenter de nouvelles formes de masculinités, avec Otis (hétéro) et son meilleur ami Eric (gay) en porte-drapeau. Tous deux échangent sans cesse sur leur intimité. Ils évoquent leurs sentiments en faisant fi des stéréotypes traditionnels de la virilité. C’est en cela que la série est vraiment rafraîchissante, jusque dans la forme: cette lumière presqu’irréelle qui inonde l’écran en permanence, alors que la série se déroule au Pays de Galles. Le soleil est ici toujours radieux et réconfortant. Ce travail sur la photographie confère à la série son caractère presque utopique. Une utopie où le sexe n’est rien d’autre qu’un sujet de plaisir.

Sex Education, créé par Laurie Nunn. Avec Asa Butterfield, Gillian Anderson, Emma Mackey. Disponible sur Netflix. ****

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