Echappé des Girls In Hawaii, Daniel Offermann vient de sortir le 2e albummulticolore d’Hallo Kosmo. Pour en parler, on lui a rendu visite chez lui, en Germanie belge. Où il est question de Johnny, Noir Désir et Tokio Hotel…

Eupen. Le bout du bout. Depuis Ostende, le train a traversé tout le pays pour s’arrêter ici, tout à l’est. Ce n’est pas encore l’Allemagne, mais plus tout à fait la Belgique. Daniel Offermann: « C’est vrai que c’est particulier. Les gens ici connaissent plus facilement le nom du chancelier que du ministre-président de la Région wallonne. Ils sont davantage tournés vers la culture allemande. C’est bien simple: avant de partir étudier à l’Ihecs à Bruxelles, je ne savais pas qui était Johnny Hallyday. Une fois que vous avez capté ça… » On comprend mieux certaines choses, en effet…

A l’Institut des hautes études des communications sociales, Daniel Offermann ne découvrira pas seulement toutes les richesses et subtilités du « wok’n’woll » à la française. Il se liera aussi d’amitié avec Antoine Wielemans, qui l’embarquera dans l’aventure Girls in Hawaii (GIH) – 2 albums jusqu’ici, et une reconnaissance au-delà des frontières du Royaume. Daniel y tient la basse. Une place forcément spéciale. C’est lui le grand échalas brun au milieu de ses camarades blondinets. Un point d’accroche visuel élastique là où les autres préfèrent souvent une certaine rigidité scénique.

Fais-moi mal

Depuis la parenthèse étudiante, Daniel Offermann est revenu habiter à Eupen. Il vient de s’installer au rez-de-chaussée d’une grande maison, au c£ur de la cité. C’est là qu’il reçoit, attablé à la cuisine. On est début février, et les festivités carnavalesques ont démarré sous la neige. « Vivre ici me stabilise, j’imagine. A Bruxelles, on y va pour faire quelque chose. Du coup, on se retrouve vite dans une petite bulle: d’artistes, de graphistes… Ici, à Eupen, il n’y a pas 36 musiciens qui tournent. Mes rencontres sont plus hétérogènes. Dans les gens que je côtoie, je croise des plombiers, des profs… Mais du coup, j’ai aussi moins de modèle à suivre, du type: se retrouver à une terrasse de Saint-Gilles à 11 h, à réfléchir comment organiser la suite des événements. » Du coup, quand il ne joue pas avec les GIH, Daniel s’agite: livre des meubles, accouche de spots radios, ou… sort un album sous le nom d’Hallo Kosmo.

Il y a 2 ans, sortait ainsi Autobahn Hotel, une première échappée en solo, pondu sur son ordinateur entre 2 concerts des Girls. Il remet aujourd’hui à nouveau le couvert avec Kasablanka. Mais cette fois, il s’est entouré d’un vrai groupe – où il retrouve Denis Wielemans, batteur des Girls, mais aussi Fabrice Detry (Austin Lace) et François Gustin (ex-Tellers). « Le premier album tenait davantage du journal intime. Aujourd’hui, Hallo Kosmo est un projet en soi, que j’ai envie de pousser. » Typiquement, Kasablanka a les défauts de ses qualités, bricolo. On ne pourra pas en tout cas lui reprocher son côté décomplexé. Voire détaché. « Je comprends. Le fait d’habiter à une espèce de carrefour entre plusieurs cultures joue peut-être un rôle. Cela permet de relativiser certaines choses. »

Sur Sad Sad Sad, il chante notamment: « Feeling good is bad/that’s what they told me at the indie rock concert ». Une manière de se moquer d’une certaine esthétique rock dépressive. « Le mythe de l’artiste torturé, ce n’est pas trop pour moi. Je ne vais en tout cas pas faire semblant. C’est quelque chose qui est assez présent dans la culture francophone. Noir Désir, par exemple, tous les autres sont fans. Mais personnellement, j’ai vraiment du mal. »

Plus loin, Daniel Offermann explique pourtant qu' »il aura beau être l’homme le plus heureux, il paraîtra toujours un peu triste » ( Ain’t A Thing). « Euh, c’est vrai. Sur scène par exemple, j’ai parfois du mal à savourer complètement le moment. En général, quand tout le monde s’emballe, j’ai tendance à un peu freiner. Quand on a joué par exemple sur la place des Palais devant 8000 personnes, je n’ai pas eu l’impression d’en avoir vraiment profité. Dans ces moments-là, le public devient une foule. C’est difficile de faire passer quelque chose à autant de monde sans devenir démago. Le fait est que je me méfie toujours de ce qui est trop clair. Peut-être que cela vient aussi du poids de l’Histoire, je ne sais pas… »

Le traumatisme de l’emballement nazi ne serait donc toujours pas complètement résolu. Comme si tout enthousiasme ou tentative de romantisme était suspect. « La culture germanique a par exemple une relation compliquée avec le chant en allemand. On peut dire « I love you » sans problème. En chantant « Ich liebe dich » par contre, on tombe vite dans de la variét’ et le schlager. En fait, après la guerre, c’était difficile de paraître branché tout en chantant dans sa langue. Aujourd’hui cela change, mais c’est très récent. Le cas de Tokio Hotel par exemple reste encore très étonnant. »

Oberbayern

Sur Autobahn Hotel, Daniel Offerman avait choisi sa langue natale. Cette fois-ci, il s’est mis définitivement à l’anglais. « Le fait de ne pas maîtriser l’idiome amène à faire plus simple, plus direct. J’ai une s£ur qui est psychanalyste. Elle suit parfois des francophones ou des néerlandophones. Dans ce cas-là, elle le fait la plupart du temps en anglais. Et souvent, cela lui permet d’arriver plus vite au but. C’est un peu la même chose dans ce cas-ci. »

Malgré tout, Daniel écrit encore en allemand. Comme la chanson qu’il a pondue à l’occasion du carnaval.  » Je fais partie d’un groupe, le TSK Dicke Säck Gelb Lila! Dès dimanche, les défilés vont commencer. On sera déguisé en dragons. » Pour l’heure, c’est le Jeudi des femmes. Celle de Daniel a invité une série d’amies pour dîner, avant de partir faire la tournée des comptoirs. Le schnaps est d’ailleurs débouché. « On vient d’entendre ta chanson à la radio! » Pour l’instant, c’est surtout une version oberbayern du tube des Four Non Blondes qui passe dans le poste. Affreux, affreux, affreux… Daniel: « Tout le temps du carnaval, la radio ne passe que ce genre de musique. Faut être d’ici pour supporter ça. Et encore… » On veut bien le croire…

Hallo Kosmo, Kasablanka, chez 62 TV Records.

Rencontre Laurent Hoebrechts

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