Quantum Break, un projet cross média trop ambitieux?

Dominic Monaghan dans Quantum Break © Microsoft/Remedy Entertainment
Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

Noyé dans un univers où le temps se fige et se disloque en boucle, Quantum Break jongle avec l’horloge et l’univers des séries télé pour épater le gamer. Un projet cross média trop ambitieux?

« Et si? » Face à l’inimaginable, vouloir remonter le temps pour changer le cours des événements est un réflexe geek naïf mais inévitable. Quantum Break et sa machine temporelle détraquée explorent cette thématique en s’interrogeant sur l’inflexibilité de nos destinées. Sur fond de fin du monde, l’exclusivité Xbox One et PC aborde un sujet récurent de la science-fiction. Mais le nouveau shooter de Remedy Entertainment célèbre le mariage du gaming et des séries télévisées à un niveau jamais vu. Le projet cross média des créateurs de Max Payne entrecoupe en effet ses chapitres de quatre épisodes filmés aux ambitions haut de gamme. Le pop-corn saute à côté des manettes…

Stupeur et tremblements. Au milieu des années 90, les gangsters de Who Shot Johnny Rock? et les cow-boys de Mad Dog McCree jouaient la carte de la Full Motion Video pour épater la galerie. Techniquement crasseuses, narrativement nulles et ludiquement abyssales, ces productions mélangeaient maladroitement cinéma et jeu vidéo. S’ils occupent 75 Go d’espace (à regarder en streaming ou à télécharger), les quatre épisodes de 25 minutes rythmant les gunfights de Quantum Break sont d’un tout autre gabarit.

Une amitié éclatée. Une fratrie brisée. Une confiance en sursis. Un bad guy ambivalent. La maturité de Quantum Break s’exprime davantage par sa maîtrise narrative que par son Armageddon temporel (dû à la découverte d’une machine à voyager dans le temps). Sans atteindre Walking Dead ou Breaking Bad, les protagonistes de la superproduction empruntent ainsi avec un certain talent les codes des meilleures séries télé d’HBO ou d’AMC.

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Aidan Gillen y brille en effet dans la peau de Paul Serene, patron malade d’une multinationale hégémonique. L’acteur, qui interprétait Petyr Baelish (le grand comploteur) dans Game of Thrones, y donne la réplique à Dominic Monaghan, ex-toxico de Lost qui campe l’inventeur de la machine et le frère du héros -plutôt transparent- que le joueur incarne. Les deux acteurs ne sont pas les seules figures connues du petit écran qui défilent derrières les manettes. De l’image réelle aux phases de jeu, la frontière se floute. Mention spéciale pour le rendu des animations faciales. Remedy a abattu un travail graphique de titan.

Better Break Saul?

Quantum Break vogue loin des déboires interactifs 90’s des Mega CD de Sega et autres Amiga CD d’Amiga. Mais les confusions nouées par son scénario temporel et sa réalisation moyen de gamme refroidissent. On est loin de la direction photographique de la première saison d’un Better Call Saul. Pis, les promesses de scénario à géométrie variable du titre de Remedy ne frappent pas. Accuser un employé ou un autre? Lancer une campagne RP ou tuer une militante anti-monopole? L’idée de placer occasionnellement le gamer dans la peau du bad guy de service était bonne. Dommage qu’elle ne semble pas avoir de prise sur la trame principale. Beaucoup moins en tout cas que sur Life is Strange,qui partage avec le jeu édité par Microsoft des ressorts ludiques temporels mais aussi l’amour des séries télé.

Sous influence cathodique, Quantum Break se découpe finalement en cinq chapitres au gameplay moyen (voir encadré). Comme Alan Wake, jeu d’aventures lui aussi influencé par le petit écran (et David Lynch), le périple quantique est toutefois sorti d’un seul bloc. Il vogue donc à contre-courant de la vague naissante de l’episodic gaming. Depuis le boom du téléchargement, de nombreux jeux ont adopté ce format. Mantra? Ne plus sortir une production en entier, mais la diffuser au fil de chapitres, à plusieurs mois d’intervalle.

L’adaptation gaming de Walking Dead de Telltale mettait le feu aux poudres en 2012. Un format qui tourne souvent autour de cinq épisodes annuels (notamment Tales from the Borderlands). La patience est toutefois de mise car face aux séries télé, les rythmes de sortie sont non seulement plus espacés mais pas forcément réguliers. Au grand dam de ses fans, Life is Strange variait ainsi ses remises de un à deux mois. Pis, ces productions en flux tendu subissent parfois un arrêt pur et simple en cours de route. Les joueurs de Sin Episodes et Insecticide font la grimace.

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Côté gamer, l’addition finale est plus lourde qu’un triple A classique. Les studios se frottent les mains. D’autant que le format épisodique offre une plus longue exposition médiatique, une sortie plus rapide (un an de développement contre quatre à cinq pour un triple A) et un investissement de départ minime. Square Enix y trouve d’ailleurs son compte puisqu’après les récents Life is Strange et Hitman, son prochain Final Fantasy VII Remake se morcellera lui aussi dans le temps. Et si Quantum Break l’adoptait pour rectifier le tir de son gameplay défaillant?

Vestiges du passé

Manipuler l’horloge pour déplacer des objets via des boucles temporelles et résoudre des énigmes est une invitation difficile à refuser. Surtout quand elle émane du studio qui a inventé le bullet time de Max Payne. Eviter la chute d’un poids lourd ou transformer l’écroulement d’une plateforme en ascenseur. Ces rewinds en boucle qui évoquent Braid épatent dans un premier temps. Mais ils restent anecdotiques face aux fusillades du jeu. Car le coeur de Quantum Break bat bien comme un third person shooter, entre armes à feu et pouvoirs psychiques. Se téléporter sur une courte distance et figer le temps permet ainsi de respectivement esquiver des tirs nourris et immobiliser brièvement un adversaire coriace. Ces gimmicks offrent certes du relief aux fusillades. Mais ils ne crépitent pas. D’autant que les mouvements du héros se montrent rigides et sa visée au flingue inconfortable. GTA V faisait beaucoup mieux…

QUANTUM BREAK, ÉDITÉ PAR MICROSOFT ET DÉVELOPPÉ PAR REMEDY ENTERTAINEMENT, ÂGE: 18+, DISPONIBLE SUR PC ET XBOX ONE. ***

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