Les séries télé ressassent toujours les mêmes thèmes. Focus vous les dévoile tout au long de l’été. Seconde étape: les paradis artificiels, au cour, notamment, de l’excellent Breaking Bad.

A regarder le monde par le petit bout de la lucarne, il semblerait qu’ils ne soient guère légion ces  » enfants de la chance qui n’ont jamais connu les transes des shoots et du shit » dont parlait Gainsbourg. Dans les séries anglo-saxonnes, surtout, les drogues sont omniprésentes, sous toutes leurs formes: pilules multicolores gobées comme autant de Smarties ( Skins), rails de coke aspirés avec une désinvolture certaine ( Californication), prise de champignons hallucinogènes au milieu du désert ( Entourage), volutes de marie-jeanne exhalées voluptueusement ( Six Feet Under, Sons of Anarchy), fixes enchaînés dans les bas-fonds de Tox City ( The Shield), voire, carrément, sang de vampire ingurgité comme dope aux vertus surpuissantes ( True Blood)… Des paradis artificiels bien souvent convoqués pour échapper, le temps d’un trip, à un enfer – urbain, existentiel, générationnel, affectif – bien réel celui-là.

Plusieurs séries en font carrément leur cheval de bataille, plaçant la drogue et ses aficionados au c£ur même de leurs enjeux narratifs. Tout en évitant la plupart du temps soigneusement de se concentrer sur sa consommation proprement dite, les motivations et les conséquences individuelles de celle-ci. Dans la fiction télévisée contemporaine, la drogue n’est pas tant affaire de morale qu’une réalité comme une autre, un rouage d’une mécanique sociétale grippée dans son ensemble. A quelques exceptions notables près (la consommation problématique du personnage de Charlie dans Lost, par exemple)…

Ainsi de The Wire, splendeur estampillée HBO de laquelle se dégage, et de quelle vertigineuse manière, la figure du réseau. Le réseau d’écoute mis en place par la police locale faisant écho à celui, immense et rampant, emprunté par les divers produits dealés dans les rues de Baltimore. La came (et les profits qu’elle génère) y passe de main en main et lie ainsi, d’indirecte façon, des personnalités que rien, semblait-il, ne devait rapprocher: riche investisseur immobilier et clochard héroïnomane, idéaliste vertueux et gangster sans pitié, politicien aux dents longues et petite frappe en mal de reconnaissance.

Une figure du réseau qui épouse parfaitement les contours, quasi tentaculaires, du logo de la série Weeds: une feuille de cannabis. Le parcours d’un simple sachet de beuh y connectant bien souvent, telle une balle de flipper allumant en série les voyants lumineux, une ribambelle aussi foisonnante qu’hétéroclite de personnages. Activant au passage une autre figure essentielle: celle de l’engrenage. La vente, à priori inoffensive, d’un peu d’herbe dans la banlieue cossue d’Agrestic en amenant bientôt, de fil en aiguille, notre protagoniste principale à traiter avec des trafiquants meurtriers à la frontière mexicaine. Pas vraiment le même trip, si l’on peut dire.

Bonne came

Figures du réseau et de l’engrenage se retrouvent toutes deux au c£ur d’une autre série américaine, Breaking Bad (à découvrir prochainement sur Arte), se concentrant pour sa part non pas sur la vente mais bien sur la conception de drogue. Walter White, professeur de chimie cinquantenaire et effacé, vit, aux côtés de sa femme enceinte et de son fils handicapé, une existence des plus prosaïques. Jusqu’au jour où il apprend être atteint d’un cancer du poumon arrivé en phase terminale. Le spectre d’une mort prochaine, d’une part, la perspective de l’amas facile d’une grosse somme d’argent à léguer aux siens avant de s’en aller, de l’autre, le poussent subitement à quitter les rails d’un quotidien ronronnant et vivre des aventures autrement épicées. Avec l’aide de l’un de ses anciens étudiants, il va produire du crystal (ou méthamphétamine), une drogue synthétique psycho-stimulante et particulièrement addictive. Activité aux promesses hautement lucratives mais dont l’exercice se solde bientôt par des tuiles en cascade…

Voilà un nouveau show qui, à l’instar d’un The Wire ou d’un Weeds donc, semble indiquer que la drogue – sujet sensible et multiple s’il en est, catalyseur des maux, individuels et collectifs, de l’époque – a encore des beaux jours devant elle dans la fiction télévisée. Point commun, en effet, à toutes ces séries: elles nous rendent complètement accros. Ben tiens…

Nicolas Clément

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