Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Dirty two – Nick Cave et Warren Ellis sortent une double compilation de leurs travaux pour le cinéma. Et en profitent pour creuser le côté le plus apaisé de leur univers musical.

« White Lunar »

Distribué par EMI.

zzRares sont ceux qui, dans le rock, bénéficient aujourd’hui d’une aura comparable à celle de Nick Cave. Crooner vénéneux avec les Bad Seeds, hurleur vicieux avec Grinderman, il apparaît encore et toujours comme un modèle d’intégrité, mêlant élégance et fureur – ce derrière quoi continue de courir le rock, encore et toujours. Pour s’en convaincre, il suffisait d’assister au concert donné avec ses Mauvaises graines, lors du dernier festival de Werchter: l’Australien et ses camarades ont mis tout le monde au pas.

Du coup, même une compilation des musiques qu’il a pu composer pour le cinéma a du mal à passer inaperçue. Il faut dire que White Lunar est copieux, double CD bourré jusqu’à la gueule. Toutes les B.O. rassemblées ici sont le fruit de la collaboration entre le Cave et Warren Ellis, leader barbu du groupe Dirty Three, mais surtout camarade de chambrée au sein des Bad Seeds et Grinderman. Les deux se connaissent depuis plus de 15 ans, mais ce n’est que très récemment qu’ils se sont attaqués aux musiques pour le grand écran. C’était avec The Proposition (2005), de John Hillcoat, £uvre dont Nick Cave était par ailleurs scénariste. « A partir de là, on a vite enchaîné les commandes, explique Warren Ellis. Pour le cinéma, mais aussi pour la scène, des documentaires… A force, on a accumulé plein de matières. » Le premier CD regroupe des musiques de The Proposition, The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford, et de The Road, l’adaptation du livre de Cormac McCarthy, qui doit débouler en salle prochainement. Le deuxième CD rassemble lui le travail réalisé pour deux documentaires ( The English Surgeon, et The Girls of Phnom Penh), et d’autres inédits expérimentaux tombés du camion.

Facteur chance

Cela donne des paysages sonores étonnamment cohérents, majoritairement instrumentaux, le plus souvent apaisés ( The Beach, Song for Jesse, The Proposition 1…), même si cela n’empêche pas des moments de tension ( The Rider 2). Le double CD sera peut-être difficile à ingurgiter en un coup. N’empêche: l’occasion est belle pour Cave et Ellis de sortir ici de leurs élans bruitistes. Avec à chaque fois ce paradoxe: celui de se « libérer » de la musique qu’ils produisent habituellement avec leurs groupes en… s’enfermant dans le cadre fixé par le réalisateur. « C’est vrai, c’est paradoxal. Au départ, je craignais la frustration. Ce qui arrive au début. Mais par la suite, c’est très libérateur. Quand le jeu est complètement ouvert, c’est parfois bloquant, simplement parce qu’on ne sait pas où aller. Par contre, dès que vous fixez 2, 3 paramètres, vous savez à quoi vous en tenir, et pouvez commencer à jouer dans ces limites-là…. «  Ce qui n’empêche pas le duo de travailler toujours à sa manière, enregistrant des heures de musique, dans lesquelles ils piochent ensuite de quoi accompagner les images. « Cela reste assez organique, le facteur chance joue un grand rôle. On ne pourrait pas bosser sur un James Bond par exemple, plantés devant les images à veiller à ce que chaque note corresponde tip top à l’action. » Comme quoi, on ne se refait pas.

Laurent Hoebrechts

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