Nature sauvage

© JANE BURKE

Le premier roman d’Alexandre Lenot a remporté le prix Première: professionnels et amateurs ont été séduits par la singularité de ce western rural.

Son premier livre, le Français Alexandre Lenot l’a écrit à l’âge de 19 ans – » mais j’espère qu’il a totalement disparu« . Le second, c’était il y a dix ans et il a failli être publié – » mais je suis content qu’il ne l’ait pas été« . Le troisième, qui deviendra cet Écorces vives, l’auteur voulait absolument l’avoir fini et publié avant ses 40 ans. C’est chose faite, et bien faite: quatre mois après sa parution chez Actes Sud, Écorces vives vient de remporter le prix Première du premier roman, pour la première fois décerné à un roman dit noir.  » Même si j’ai profondément une vision « non-genrée » de la littérature, précise Lenot. Je voulais un récit qui se réfère plutôt au western, mais dans lequel le contexte social est important, où le lecteur a conscience de la violence, symbolique ou non, que fait subir un environnement à ses protagonistes. Une littérature qu’on dit engagée, telle qu’on la retrouve apparemment souvent dans le roman noir, ça me va, mais le prochain se devra d’être différent. » Pas trop quand même: le jeune auteur a trouvé ici une petite musique qui fait mouche et où se tapit la violence avant qu’elle n’explose. Elle a d’ailleurs séduit un jury d’amateurs au sein d’une large sélection effectuée, elle, par des professionnels du livre -c’est dire le potentiel d’Alexandre Lenot.

Nature sauvage

France périphérique

Dans Écorces vives, récit rural aux voix multiples, un individu met le feu à une ferme du Cantal, perdue entre montagnes et forêts, dans cette France périphérique revenue aux devants de l’actualité via le mouvement des Gilets Jaunes.  » J’ai commencé à écrire il y a quatre ans, note l’auteur, quand les signes de la révolte étaient déjà présents dans ces lieux où la poste ferme alors qu’il n’y a déjà plus ni école, ni gare, ni médecin, ni station-service. » Un trou abandonné plus que perdu, où ceux qui restent sont ceux qui n’ont pas pu partir, rejoints par les rares qui sont venus là pour oublier et s’oublier, telle Louise, qui recueille l’incendiaire et se prépare à la tempête provoquée par son geste: le rôdeur a mis l’ancien ordre en péril, faisant passer les derniers gens du coin de la circonspection à une hostilité de plus en plus franche et bientôt meurtrière. Le récit d’ Écorces vives est donc d’abord celui d’une tension sourde et larvée,  » et aussi un récit sur la crise du vivant, de notre rapport à la nature qui a complètement changé en un siècle, qui m’a été autant inspiré par les lieux, que je connais bien, que par les lectures de Philip Roth ou Donald E. Westlake« . Un récit anxiogène et rural où la plume de Lenot s’avère également singulière: il n’y a quasiment pas de dialogues dans ce roman qui fait la part plus que belle aux atmosphères et qui se permet même un peu de poésie.

Écorces vives

d’Alexandre Lenot, éditions Actes Sud, 208 pages.

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