Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

« LIFE IS GOOD »

DISTRIBUÉ PAR DEF JAM/UNIVERSAL.

Comment faire quand le plus gros problème d’un artiste est aussi sa plus grande réussite? En 1994, Nas sortait son premier album. A ce jour, il n’y a pas grand-monde pour contester le statut de classique d’ Illmatic, chef-d’£uvre du hip hop des années 90. Mais depuis, Nas n’a jamais réussi non plus à reproduire un album aussi marquant. Pire: au cours des années 2000, l’étoile du rappeur n’a cessé de pâlir, à coups de disques poussifs. Pendant ce temps-là, ses concurrents, Jay-Z en tête, prenaient les commandes du rap game, tandis que la jeune garde finissait de déclasser le rappeur du Queens.

En 2010, cependant, il sortait Distant Relatives, disque réalisé avec Damian Marley, tourné en partie vers l’Afrique. L’album n’était certes pas parfait, mais il avait le mérite de donner un peu d’air. Aujourd’hui, Nasir Jones (1973) revient à ses propres affaires avec Life Is Good. La surprise est bonne: alors qu’on n’en attendait pas grand-chose, le disque s’avère l’un de ses plus convaincants depuis longtemps… Le premier atout de Nas est toujours ce flow et ce grain de voix reconnaissables entre mille. Mais cette fois-ci, en plus, il leur redonne une intensité, une tension qu’il avait parfois tendance à gâcher. A cet égard, le début de disque est presque parfait: l’emphase de No Introduction, le polar sombre de Loco-Motive, les cordes dissonantes de A Queens Story, l’implacable Accident Murderers avec (l’inévitable) Rick Ross…

Casseroles

Life Is Good pourrait passer pour un titre ironique. Ces derniers temps, les casseroles de Nas n’ont pas été qu’artistiques. Son divorce avec la chanteuse Kelis (sur la pochette, il tient sa robe de mariage), ses ennuis avec le fisc américain… Clairement, le rappeur s’en inspire pour nourrir son nouveau disque. Bye Baby évoque ses déboires amoureux, Daughters se penche sur les relations père-fille… Pourtant, Nas garde un sourire qui n’a rien de cynique. Parfois impudique certes, mais jamais malveillant. « Te voir hurler sur les flics racistes de Miami est probablement l’un des plus grands moments de ma vie », avoue-t-il sur Bye Baby. A près de 40 ans, le rappeur règle moins ses comptes qu’il ne dépose les armes et observe le décor, probablement content d’être finalement encore vivant ( » Life is good », répète-t-il encore à la fin de Cherry Wine, son duo avec feue Amy Winehouse). Il y a bien encore l’une ou l’autre tuile à déplorer -le Summer On Smash, produit par Swizz Beatz, cède trop au son du moment, sans y apporter quoi que ce soit. Au final, Nas retrouve toutefois une urgence et une pertinence que l’on n’espérait franchement plus. l

LAURENT HOEBRECHTS

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