The K., la résurrection

"Amputate Corporate Art, c'est facile à trouver sur les moteurs de recherche et tu as bien besoin de ça quand tu n'as pas été très malin pour choisir le nom de ton groupe..." © OLIVIER DONNET
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Avec Amputate Corporate Art, les bruyants et énervés Liégeois de The K. renaissent de leurs cendres, se réinventent et s’essaient même à la ballade.

« Ce que je fais de mes journées? Je nettoie, je cuisine et je promène mon chien. Je bosse sur l’ordi aussi. Mais quand tu sais que tu en as pour quatre ou cinq semaines chez toi, tu distilles le boulot histoire d’être occupé tout le temps. » à l’autre bout du fil, Sébastien von Landau est comme tout le monde en mode confinement. Le chevelu qui bosse dans l’administratif et le suivi des stocks chez Jaune Orange a sorti il y a quelques semaines le troisième album de The K.: Amputate Corporate Art. « J’ai l’impression qu’il fait le lien entre les deux précédents musicalement parlant. Tu retrouves l’énergie des débuts mais tu te rends compte qu’on sait un peu faire des mélodies quand même et composer des chansons. »

Le chanteur et guitariste se marre. The K. s’était un peu fait oublier. Cinq ans se sont écoulés depuis la sortie de Burning Pattern Etiquette. « À l’époque, on a pas mal tourné. En un an et trois mois, on a donné un peu plus de 100 concerts. La promotion n’était pas vouée à s’arrêter de manière si abrupte. Mais avec le départ de Geoffrey, notre bassiste, on a été un peu forcés de stopper la machine. Ça tombait peut-être pas mal. Il venait de devenir papa tandis que Bert et moi avions brisé des histoires sentimentales parce que nous n’étions jamais à la maison… »

Il faut dire qu’ils sont hyperactifs les mecs de The K. Quand il ne colle pas des affiches pour des événements culturels (il est poster boy à Gand du lundi au mercredi), Bert Minnaert, alias Sigfried Burroughs, fait de la musique avec Kapitan Korsakov, Onmens, Paard ou encore Run SOFA. Von Landau, lui, a Wyatt E. (le troisième album a déjà été enregistré) et joue dans Cocaine Piss. Grégory « Danger » Mertz, le petit dernier, est lui aussi du genre busy. Greg est chanteur de King Fu. Il a un groupe de funeral grunge à Paris: Necrodancer. Et donne de la voix dans Daggers, le groupe des frères Tönnes, c’est-à-dire Yannick, le batteur de Cocaine Piss, et Thierry, graphic designer qui a composé la pochette d’Amputate Corporate Art.

The K., la résurrection

Vous vous y retrouvez? Pas grave. The K. s’est remis à composer durant l’été 2018. La bonne vieille méthode. à trois dans un garage. Celui des parents de Bert à Vilvorde. Les trois fantastiques sont ensuite partis l’enregistrer chez leur pote Tim De Gieter (bassiste remplaçant d’Amenra) dans un studio perdu au beau milieu de la campagne gantoise. « Écrire les chansons… oui, les arranger… un peu moins, poursuit Von Landau. C’est plutôt le boulot de Bert. Quant aux paroles, on se les partage. Mais je ne suis vraiment pas fan du studio. L’enregistrement me stresse énormément. En live, ça passe parce que je sais retomber sur mes pattes. Il y a l’énergie. Mais je ne suis pas un grand guitariste. Je n’arrive souvent pas à reproduire en studio ce que je fais en répète. Je me mets la pression et j’ai du mal à me calmer. Avec Tim, ça a été un bonheur. »

Slip et fer à repasser…

Avec Amputate Corporate Art, The K. a voulu s’offrir un ravalement de façade. S’inscrire dans la modernité. « Les disques précédents parlaient du passé, celui-ci ouvre pour nous un chemin vers le futur, avance le guitariste. Il y a toujours de l’ironie, du cynisme. The K. reste un groupe de sales têtes. On lit encore des références au grunge. Et ça nous fait plaisir. Être comparé à Bleach et In Utero , c’est toujours très flatteur. Mais ce n’est définitivement pas un disque nostalgique et mélancolique. »

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Plutôt un nouveau départ. L’album d’un groupe qui essaie de se retrouver autour d’un projet commun et d’en devenir un autre. « On a été absents longtemps. Entre 2016 et aujourd’hui, les réseaux sociaux ont énormément changé. Il fallait qu’on puisse se réinventer. Devenir un peu frais, proposer quelque chose de neuf. On a voulu tout chambouler. On a pris le parti de ne pas en avoir et on a essayé d’éviter tout canevas dans les chansons. Si on veut une ballade, on fait une ballade. Si on veut un morceau hardcore, on fait un morceau hardcore. » Il y a une ballade ( Everything Hurts). C’est pas une blague. A priori, elle était censée sonner comme Teenage Jesus and the Jerks, le groupe de no wave new-yorkais. Mais la bête reste bruyante, puissante, bruitiste et hurle aussi des sauvageries punk comme The Rougher Aspects of Love.

Surprenante, la pochette de l’album met à l’honneur un boxer troué et dédicacé. La cuvette de chiotte de Duchamp déclinée en mode rock liégeois… « Je lui ai expliqué le contexte et Thierry a eu l’idée d’un ready-made. Une espèce de truc dadaïste où on tue un peu l’art pour en faire quelque chose de nouveau. Il a pensé à mon slip, qui est la marque de fabrique du groupe en live. Il en a fait une pièce de musée qu’il a accrochée. Le titre sur l’élastique a été bricolé en faux pour l’album. Par contre, on en a une cinquantaine de vrais. Il y a moyen d’acheter un slip avec le vinyle. »

Amputate Corporate Art renvoie à l’idée de détruire ce qu’on était avant. D’ouvrir la voie vers un nouvel art, vers un nouveau The K. Les deux premiers morceaux et singles de l’album Shit Day et l’ironique The Future Is Bright résonnent quelque part avec l’actualité… « ça nous fait rire mais aussi vraiment chier ces coïncidences. À un moment, on a appris qu’on n’allait pas pouvoir défendre ce disque à sa sortie. En février-mars, on s’était organisé une résidence. On avait tout bien fait. Et tout est reporté de six mois. Je les entends déjà: « On vous aurait programmés l’année passée mais bon, là, votre album il a un an. » Celui qui nous dit que c’est un vieux disque quand on cherche des dates, je lui crame la gueule au fer à repasser. »

Amputate Corporate Art, distribué par Jaune Orange. ***(*)

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