Rock Werchter J4: Muse comme à la parade

Muse © Olivier Donnet
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Au lendemain du bouquet final de cette 41e édition de Rock Werchter, avec Muse dans le rôle des artificiers, l’heure est au bilan.

Mission accomplie. Avec quelque 88.000 spectateurs par jour, Rock Werchter a une nouvelle fois rameuté la grande foule. Un point positif pour un festival mastodonte, pour lequel le changement de dates aura eu finalement peu d’impact. Rock Werchter en aura aussi profité pour redessiner un peu son site. Avec parfois un peu de retard, il a compris que les festivaliers ne se contentaient plus aujourd’hui de la seule musique. Face à des concurrents qui mettent de plus en plus le paquet sur l’animation et le décor, la Rolls de l’été a dû réagir: en réservant un coin de prairie à des foodtrucks, un barbier, un coiffeur, et même un « vrai » restaurant… Surtout, avec un Klub et un Barn entièrement redessinés, bénéficiant d’un système d’airco qui les empêche de trop vite se transformer en étuves, les deux chapiteaux du festival n’ont plus grand-chose à envier à des salles en dur.

Hormis les annulations en cascade (dont quelques gros morceaux, comme les Foo Fighters, Sam Smith…), Rock Werchter a donc réussi à tenir le cap. Comme tout bon blockbuster, il s’est terminé dimanche par un bouquet final, avec, dans le rôle des artificiers, les Anglais de Muse. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, la bande à Matthew Bellamy est bel et bien taillée pour l’exercice. Une vraie tête d’affiche (l’une des rares de ces 4 jours), avec tout ce que cela peut supposer d’efficace, frontal, direct, voire bourrin. Mais surtout, foncièrement rock, pour un festival dont cela reste l’ADN, quoiqu’il arrive (pas demain qu’on verra un Kanye West trôner au somment de l’affiche flamande).

Le gros du public werchterien adhère et adore, les autres ayant déjà pris le chemin du retour. On ne va pas tarder à les rejoindre, le temps de vérifier que la machine Muse tourne bien à plein régime. En servant les classiques de rigueur (Supermassive Black Hole, dès l’entame), mais sans faire l’impasse sur le nouveau Drones, sorti il y a quelques semaines. Le set démarre d’ailleurs avec la gueulante d’un sergent-instructeur, projeté sur les écrans géants. « Your ass belong to me », hurle le militaire, clair sur ses intentions et, par contamination, sur celles du groupe, qui enchaîne avec Psycho, balayant vaguement les angoisses et la parano actuelles.

Ce qui permet de réaliser, au moment de prendre définitivement la tangente, que la furie du monde semble ici n’être qu’une lointaine fantaisie. On s’explique: la folie extrémiste a beau tuer un peu partout – sur la plage de Sousse comme dans une église de Charleston -, et la Grèce couler en direct, tout cela semble se dérouler sur une autre planète. Comme si Werchter fonctionnait en vase clos. It’s only entertainment? Ce n’était pas tout à fait le cas des modèles des années 60 (Woodstock et autres) qui ont inspiré des rassemblements comme Werchter. Bien sûr, on parle d’une autre époque. Mais aujourd’hui, de ce qu’on va vu du week-end, il n’y a quasi plus un seul artiste pour commenter l’actualité, raconter l’état des choses et du monde. Qu’il faille attendre Muse pour cela laisse encore plus perplexe – il est moins question pour les Anglais de raconter le chaos actuel que de s’en servir pour doper leur grandiloquence musicale. À nouveau, qu’un festival comme Werchter tienne du divertissement est en soi bien naturel. Mais qu’il constitue à ce point une bulle autocentrée, comme un îlot détaché de la vie et du cours des choses, ne peut manquer de laisser songeur…

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