Quand la plume de Baloji se frotte au tonnerre de Sysmo

Non, pas "fuck you, death metal". Les percussionnistes de Sysmo communiquent par un langage d'une centaine de gestes pour synchroniser leurs improvisations. © DR
Kevin Dochain
Kevin Dochain Journaliste focusvif.be

Ce jeudi au Recyclart, le collectif de percussionnistes bruxellois Sysmo fêtera son troisième anniversaire en compagnie d’un invité de marque: Baloji. Rencontre croisée.

Saint-Gilles, à un jet de pierre du Parvis. Devant la porte du local de répet, ils sont une poignée de musiciens à cloper et vanner à tout-va entre deux séances. À l’intérieur, Baloji et Augustin de Bellefroid, le « guide »/chef d’orchestre du groupe, nous attendent à côté d’une collection de pléthore percussions encore fumantes. À quelques jours de leur collaboration sur scène pour les trois ans de Sysmo, les deux règlent les derniers détails, d’abord avec une section de souffleurs puis en comité restreint… si on peut qualifier ainsi un groupe de treize percussionnistes.

C’est que, ce 3 mars, ils seront dix-neuf la scène du Recyclart: Sysmo, quatre cuivres, Baloji et son guitariste Dizzy Mandjeku. Dix-neuf pour célébrer trois années de fête sous le signe de la transe, rythmées par une musique improvisée mais très codée, guidée par un langage de signes inventé par l’Argentin Santiago Vazquez pour son projet percussif La Bomba de Tiempo.

« Je ne suis pas super fan des impros sur scène, nous confie d’emblée un Baloji même pas taquin. Mais avec mon groupe, j’aime improviser dans des moments précis du show où il y a l’espace pour le faire. Il y a certains morceaux dont on ne voit pas la fin. Et l’improvisation très codée de Sysmo se rapproche de ça. » Ce qui est certain, d’autant plus après avoir assisté aux dernières répétitions, c’est que les deux univers se marient particulièrement bien. Comme une sorte d’évidence…

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Comment s’est faite la rencontre entre les deux projets?

Augustin de Bellefroid: Je connaissais la tourneuse de Baloji, et ça faisait longtemps qu’on se disait qu’on devait l’inviter. Il a fallu synchroniser nos agendas mais là, ça tombait pile-poil pour faire un événement spécial pour notre anniversaire. Ce qui m’intéressait dans la démarche de Baloji, c’est le décalage qu’il allait amener, on n’allait pas aller directement vers une performance de musique traditionnelle. Le travail de Baloji sur l’orchestration des morceaux est hyper intéressant. Ça part dans des directions pas spécialement attendues pour du hip hop.

Comment les morceaux sont-ils repensés pour la collaboration?

Augustin: On part des morceaux de base (titres de Baloji issus de Kinshasa Succursale et 64 Bits et Malachite, ndlr), on analyse les parties, les souffleurs reprennent les thèmes… On a un système qui nous permet de rester flexibles dans la composition des morceaux et dans l’arrangement. Notre langage de gestes (plus de cent, ndlr) nous permet d’être dans une démarche improvisée tout restant dans un système hyper contraint, qui définit quel comportement va avoir telle ou telle section, leur interaction… On développe des automatismes et des réflexes pour gérer les erreurs, les choses inattendues et les transformer en quelque chose de musical. On fait une musique improvisée sans que ça ait l’air chaotique du tout.

Baloji, vous connaissiez le projet avant qu’ils vous contactent?

Baloji: Je connaissais de nom, de gens qui avaient déjà été à des fêtes en mode transe, dont ma tourneuse qui m’en avait dit le plus grand bien. Je voulais aussi les contacter pour un enregistrement de mon côté, et c’est de là qu’est venue l’idée de collaboration de notre côté. J’aimerais pouvoir séquencer, mettre de la programmation et amener ailleurs ce qu’ils font. Avec Kinshasa Succursale, je me suis inspiré de la musique primitive dans le sens noble du terme: qui va à l’essence. Et dans le rap, il y a quelque chose de très percussif, notamment au niveau de la voix, qui s’apparente bien au projet Sysmo.

C’est une extension logique du projet…

Baloji: Avec Kinshasa Succursale et 64 Bits et Malachite, j’ai fait mes classes. Un peu comme dans la peinture où tu dois maîtriser la nature morte ou le pointillisme avant de faire quelque chose de plus abstrait: tu commences par quelque chose de très fidèle à la tradition, soit l’antithèse de ce que j’ai fait dans le rap. Puis tu utilises cette matière-là avec des MPC, des machines, pour revenir à quelque chose de plus hip hop. Je traite la musique congolaise comme un sample.

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Il y a une suite prévue à la collaboration ou c’est juste un one-shot?

Baloji: J’aimerais bien les amener en studio, mais je ne sais pas ce qu’ils en pensent…

Augustin: On n’est pas au courant en tout cas (rires)… Ce serait une première.

Vous n’avez jamais rien enregistré à part du live?

Augustin: On s’est beaucoup posé la question, mais comme on travaille sur une musique qui n’est jamais la même, l’enregistrer serait un autre projet. Notre musique est particulièrement intéressante en live, sur des morceaux de 10, 15, 20 minutes, où les gens entrent en transe et dansent comme des dingues. Je ne suis pas sûr qu’enregistrer le même procédé soit intéressant. La liberté qu’on a en concert, elle n’a pas d’intérêt en studio. Probablement qu’un projet en studio se ferait avec une série d’invités.

Invités que vous multipliez de concert en concert…

Augustin: En trois ans, on a travaillé avec 39 invités, Baloji sera le 40e. Pour nos événements, il y a quasiment toujours eu des invités (DJ Grazzhoppa, Oghene Kologbo…), sauf sur les plus petits concerts.

Sur la (petite) scène du Recyclart, ça va être serré!

Augustin: On joue épaule contre épaule, ça ira!

Baloji: Le fait que ça se passe au Recyclart, c’est génial. L’élément central, c’est la musique de transe. Les grilles de lectures font que les gens le perçoivent de façon différente: les Européens voient la musique africaine comme un truc tribal et les Africains voient la musique électronique, répétitive, minimaliste, comme de la musique tribale. Les instruments sont différents, mais les codes sont identiques. Un groupe comme Konono N°1 n’est pas différent d’Animal Collective ou de groupes progressistes allemands des années 80. La démarche est la même. Le fait que ça se passe au Recyclart, qui est un temple de la musique électronique, ça a du sens.

Sysmo feat. Baloji, le 3 mars au Recyclart, Bruxelles. www.recyclart.be

Baloji sera à la Nuit Belge durant les Nuits du Botanique, le 16 mai.

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