Notwist, nouveau départ

Notwist © Joerg Koopmann
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Six ans après leur dernier album, les héros allemands de The Notwist sont enfin de retour. Au programme, Close to the Glass, disque triomphal, entre electronica mélancolique et rock indie nineties. Be kind rewind!

C’est l’un des petits miracles de Close to the Glass, le nouvel album de The Notwist. Le disque à peine entamé, voilà Kong, guitares juvéniles, batterie en cavale, mélodie héroïque. Vous pouvez chercher, mais il y a peu de chance que vous trouviez single plus jouissif en ce début d’année. C’est aussi une énigme: comment un groupe existant maintenant depuis plus de 20 ans est-il encore capable de telles fulgurances ado?

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Cheveux courts en pagaille, pull large, lunettes cerclées, Markus Acher affiche des airs d’éternel étudiant, orientation philo. « Vingt ans? Vous pouvez même écrire 25 », sourit le chanteur (et guitariste) du groupe allemand. En 1989, avec son frère Michael et Martin Messerschmidt, ils lançaient en effet The Notwist. La motivation? Moins l’envie de devenir des stars que d’évacuer l’ennui et la rage. « Au départ, quand on a démarré, on était une sorte de groupe punk-hardcore, dans lequel la part de colère était importante. Le but était de sortir de là où on était, une petite ville très ennuyeuse, très conservatrice (Weilheim in Oberbayern, dans le sud de la Bavière, près de Munich, ndlr). Il s’agissait de s’exprimer, voire d’exploser. Aujourd’hui, cela s’est un peu transformé. Mais la musique reste indispensable pour nous, pour être heureux, et pour communiquer. »

Au fil du temps, The Notwist est devenu une référence, l’un des groupes allemands les plus respectés. Il est aussi le produit typique d’une certaine époque. Celle qui a été bouleversée par le succès de Nirvana, et qui a permis à l’indie rock de prendre pendant quelques années les rênes de l’industrie. Une période pas si lointaine au cours de laquelle MTV diffusait un programme comme Alternative Nation, curieuse au point d’oser mettre en avant, à côté des incontournables Anglo-saxons, des groupes continentaux -belges même: dEUS aurait-il pu sortir son premier album à un autre moment qu’en 1994? Des temps glorieux: l’underground devenait l’overground. A la radio, non pas David Guetta, Katy Perry et Avicii. Mais REM, Björk et Radiohead…

No buzz

Entre ces derniers et The Notwist, les liens et parallèles ne manquent d’ailleurs pas. Sans Kid A (2000), album charnière qui voyait les Anglais plonger plus radicalement leur rock indie dans l’électronique, il n’y aurait probablement pas eu Neon Golden. Ou du moins n’aurait-il pas eu le même succès.

Sorti en 2002, Neon Golden reste à ce jour le disque-phare de Notwist, celui qui fera tout basculer. Depuis, le groupe a sorti encore The Devil, You + Me (2008), avant de revenir aujourd’hui avec Close to the Glass. Cocasse: pour annoncer le nouvel album des Allemands, Sub Pop, leur (nouveau) label US, avait lâché quelques bribes de musique anonymes sur le Net, à l’automne dernier. Les réactions n’ont pas tardé, dont une grande majorité avait cru reconnaître des extraits d’un nouveau disque de… Radiohead. Un compliment pour Markus Acher. « Je suis un grand fan. Donc personnellement, j’ai trouvé ça très flatteur. Franchement, c’est le meilleur groupe auquel vous pouvez être comparé. »

Cette petite devinette lancée sur le Net est aussi le seul teasing que le groupe se sera vaguement permis. Pour le reste, le marketing, cette mamelle plus que jamais indispensable pour faire sortir un disque de la masse, devrait s’en tenir au minimum. Les grandes manoeuvres, l’occupation du terrain médiatique, le storytelling autour des six ans qui ont séparé ce disque du précédent? Pas vraiment le genre de la maison… « Euh, c’est-à-dire que non, on n’y a pas trop réfléchi. On s’est tellement impliqué dans l’album, on était tellement crevés à la fin du processus, que cela nous a un peu échappé. On était juste contents qu’il soit terminé. Cela dit, aucun d’entre nous n’est aveugle. La manière dont a procédé un groupe comme Arcade Fire l’an dernier est interpellante, par exemple. Mais le fait est qu’on n’a jamais vraiment pratiqué ce genre d’exercice. Nous n’y connaissons pas grand-chose. On a des idées sur l’artistique qui peut rentrer dans le disque ou l’entourer. Mais c’est bien la musique qui reste au centre de nos préoccupations. On essaie que l’album soit bon, qu’il parle pour lui-même. »

Nouveau départ

L’an dernier, un groupe comme My Bloody Valentine a poussé le raisonnement à l’extrême: son album m b v a été balancé sur le Net, du jour au lendemain, à la surprise générale, 22 ans (!) après son dernier LP. « C’est le bon côté de l’époque. Vous ne devez pas forcément faire tout un remue-ménage. Ce disque de My Bloody Valentine était tellement précieux pour plein de gens… Personnellement, je l’ai acheté en vinyle. J’avais besoin de l’avoir. La cover est mal fignolée, ce n’est pas un gros box avec plein de bonus… Mais je m’en fiche. Cela reste quand même un des disques de 2013. »

My Bloody Valentine -ses larsens, son mur du son, ses distorsions- sont l’une des influences revendiquées de Close to the Glass. Un morceau comme 7-Hour Drive tient même de la citation appuyée. « Clairement! C’est un hommage à un groupe qui compte beaucoup pour nous, et pour n’importe quel groupe qui prétend faire de la musique avec des guitares, j’imagine. C’est aussi une référence à la musique de cette époque. Tous ces groupes shoegaze, noisy pop, comme Slowdive, Swervedriver… Les Pastels aussi, avec lesquels on a pu jouer. C’était très important pour ce disque. Pendant qu’on écrivait les nouveaux morceaux, on écoutait pas mal de musiques actuelles: Caribou, Flying Lotus… Mais on s’est également beaucoup repenchés sur des disques moins récents, que l’on a redécouverts, et qui sonnent toujours très frais aujourd’hui. Ils avaient souvent une manière très directe de communiquer quelque chose: les disques de Stereolab, Cornelius, Broadcast… Il y avait comme un esprit commun, qui a fait que la pop music indie est devenue très aventureuse. »

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Souvent, il s’agit aussi de disques qui osent partir dans plusieurs directions –« Comme le Fantasma de Cornelius, qui ressemble presque à une mixtape tellement il emprunte des styles différents ». Du coup, Close to the Glass se permet lui aussi de passer d’un genre à l’autre, sans que ça gêne. Démarrant comme du Kraftwerk qui aurait croisé Philippe Sarde (« je suis fasciné par la bande originale qu’il a composée pour César et Rosalie »), le 7e disque de The Notwist se permet tout, du tube power pop (Kong) aux bricolages électroniques couleur pastel (From One Wrong Place To The Next) en passant par la ballade guitare sèche (Casino) ou l’instrumental magnétique de près de neuf minutes (Lineri). Un morceau est emblématique de cette gourmandise: Run, Run, Run, mélancolie électronica à laquelle viennent se mélanger des éléments free jazz, house bricolo, cymbalum à la John Barry…

L’an dernier, exactement à la même période, Yo La Tengo, autre groupe « historique » et exemplaire du rock indie, avait sorti l’épatant Fade. Un disque qui partage avec Close to the Glass cette même foi renouvelée dans la musique -qui peut être aussi bien une mystique que cette simple histoire de super-héros que l’on se raconte gamin, en regardant par la fenêtre la pluie inonder les rues (Kong). On a ainsi affaire à un bonheur d’album décomplexé, de la part d’un groupe fier de sa trajectoire. Une identité qu’il ne renouvelle pas de manière radicale, mais à laquelle il redonne une pertinence, une urgence même par moments. « Le disque précédent, The Devil, You + Me, était important. Mais il a un peu souffert du fait qu’il venait après Neon Golden, disque que l’on aime bien, mais qui n’est qu’un maillon de la chaîne. Aujourd’hui, on n’a plus ce poids-là, on a réalisé le « disque-après-l’album-charnière ». Le terrain était dégagé, on bénéficiait de toute la liberté qu’on voulait. C’est un peu comme un nouveau départ. »

  • THE NOTWIST, CLOSE TO THE GLASS, DISTRIBUÉ PAR CITY SLANG.
  • EN CONCERT LE 19/03, AU BOTANIQUE, BRUXELLES.

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