Critique | Musique

Natural Brown Prom Queen, de Sudan Archives : la verbalisation du violon sous toutes ses formes

4 / 5
© Ally Green
4 / 5

Album - Natural Brown Prom Queen

Artiste - Sudan Archives

Genre - Rétro-futurisme

Label - Pias

L’Américaine Brittney Parks pratique le grand écart entre R’n’B lascif et quête (dé)culottée des racines afro d’un passé plus ou moins fantasmé.

Peu d’artistes passés ou contemporains incarnent à ce point ce pont transatlantique entre les Afro- Américains et le continent noir que Sudan -surnom donné par sa mère- Archives. Sur cet album suivant l’acclamé Athena en 2019, elle continue à broyer mille choses dans 18 titres où la pop/r’n’b ne cesse d’être dévoyée, malaxée, rudoyée dans une troisième voie afro-futuriste, produite avec un brillant sens de l’architecture et un montage proche du collage. Marrant de voir sur les photos Brittney Parks de son vrai nom (27 ans, née dans l’Ohio) enfiler une tenue stéréotypée -ongles kilométriques, make-up millimétré, tatouages, surface minimale de fringues-, en contraste avec la non-conformité des sons, que ceux-ci soient identifiés ou peu identifiables, comme dans le morceau d’ouverture, Home Maker. Une trompette (?) fantomatique y trace un chemin strictement non-linéaire: une petite minute de portes qui claquent et puis le beat installe la voix de Sudan Archives sur un canapé de velours à la Erykah Badu. Toujours avec des frottements électroniques comme autant de ponctuations parasites: des ennemis soniques qui vous veulent du bien.

Culot

Récemment, Sudan expliquait à un site américain pourquoi elle avait initialement déménagé à Los Angeles à l’âge de 19 ans: “Toute l’idée d’aller là-bas, c’était parce que je rêvais de devenir ethnomusicologue et d’étudier les instruments à cordes, ceux en perdition. D’une certaine façon, je pense que je continue à faire ça.” De fait, on n’a jamais vraiment entendu le violon verbalisé d’aussi nombreuses et éparses manières: quasi romantique dans un passage de Ciara, fantomatique dans ChevyS1O, néo-classique dans FLUE, quasi-folk sur TDLY, africain sur Copycat. Sur la plage titulaire, le quatre-cordes use d’un ton aussi antique qu’inconnu au bataillon. Avant que Sudan ne se mette à rapper de manière dératée, amenant ensuite un chœur angélique à l’avant-son. Rappelant que, gamine, elle a aussi fréquenté les églises, encouragée par sa mère à y aller au culot et à l’impro. Leçon visiblement retenue. Celle qui a été fascinée par la culture du fiddle irlandais parsème ce deuxième CD (en plus de deux EP fournis) par ce qui inspire son surnom: l’import de sensations soudanaises, ghanéennes mais toujours avec distance, digestion du vintage, vision sonique d’aujourd’hui. Comme les textes qui scrutent la question de la domesticité féminine, de l’insécurité déclinée par le succès, du racisme et des relations familiales. Sacré programme, sacré disque.

Le 17/11 au Botanique (Bruxelles).

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