Les Nuits secrètes d’Aulnoye-Aymeries: Ducasse sans ukase

A une heure de Bruxelles, les Nuits secrètes d’Aulnoye-Aymeries cultivent leur différence. Le bon ticket de l’été à tester du 6 au 8 août prochains.

Les festivals, c’est comme les chasseurs: il y a les bons et les mauvais. Encore faut-il être capable de les différencier… Il y en a un justement qui a appris à se distinguer. Un cas à part, presque une anomalie, dans un paysage où les festivals ont parfois tendance à tous se ressembler (les mêmes groupes, les mêmes gargotes…): les Nuits secrètes d’Aulnoye-Aymeries. L’endroit d’abord. Une petite commune de l’Avesnois, dans le Nord-Pas-de-Calais, pas loin de Mons, à une heure de Bruxelles. Dix mille habitants à peine, un maire traditionnellement communiste, pour un coin qui s’est petit à petit retrouvé classé tricard. N£ud ferroviaire par lequel passait notamment le Trans-Europe Express, Aulnoye-Aymeries regarde aujourd’hui la ligne TGV vers Lille la snober au loin. La crise de la sidérurgie a également laissé des traces. Pas folichon donc. Quoique.

En 2002, l’idée est lancée de mettre sur pied un événement culturel qui se grefferait sur la traditionnelle ducasse du 15 août (son feu d’artifice, son gala de catch, ses artistes de variétoche sur le retour…). Olivier Connan se lance dans l’aventure: « On a voulu chercher les spécificités qui allaient permettre d’attirer du public ici. » Par exemple, en renversant le schéma habituel: « On a rendu la scène principale gratuite et les plus petites payantes. » Et encore à des prix planchers (9 euros maximum pour le jardin). Ces dernières années, il a ainsi été possible de voir sur la grande scène Bashung, Doherty, Calexico, Christophe… Pour cette nouvelle édition seront présents George Clinton, Gotan Project, Dandy Warhols… L’idée? « Proposer une affiche à la fois populaire et ambitieuse. » Cela a un prix évidemment. A cet égard, les Nuits secrètes peuvent compter sur un financement public conséquent. Et du coup se contenter d’une billetterie qui ne rentre que dans « 20 % du budget du festival ».

Train fantôme

Une situation confortable? Encore faut-il pouvoir en profiter et proposer une véritable alternative. « La question à se poser, c’est: qu’est-ce qu’un festival? Pour moi, c’est ce qui ne peut pas se réaliser durant l’année. Il faut qu’il y ait un caractère original. » Tout en restant malgré tout inscrit dans la ville: les Nuits secrètes sont installées au coeur de la ducasse traditionnelle, entre les auto-tamponneuses et le stand de barbe à papa. Elles ne démarrent jamais non plus avant 18 h. « C’est une question de sensation, d’expérience, de rapport au public. Par ici, les gens vivent beaucoup à l’intérieur et ne sortent pas souvent le soir. Là, on leur propose d’être dehors la nuit, à 10 000, 20 000 personnes. »

La philosophie générale est limpide: créer non seulement de l’inédit, mais plus encore des rencontres, des croisements. « Au lieu de compartimenter comme souvent, on a envie de mélanger. » Mélanger les genres assurément (se faire succéder la rumba congolaise du Staff Benda Bilili et les beats d’Etienne de Crécy). Pourquoi pas les artistes (« en backstage, on a installé une scène au milieu du catering pour qui veut »). Mais surtout les publics. « Le festival est conçu pour que l’on ne puisse pas tout voir. Il y a une notion de choix. Chacun doit faire son petit programme. Au bout du compte, ce qui est important, c’est de créer des occasions de se rencontrer, d’échanger sur des actes artistiques uniques. »

En 2004, à côté de la grande scène et de celle du jardin, le festival a lancé ses fameux parcours secrets: le spectateur monte dans un bus sans savoir où il est emmené, ni qui il va voir. « C’est le principe du train fantôme, sauf qu’on ne met pas les gens mal à l’aise. » Lors d’une même soirée, l’amateur pourra donc passer d’une scène devant laquelle se pressent 10 000 personnes à un concert intimiste en compagnie de 60, 80 autres curieux. Saule est par exemple passé par là, Zita Swoon aussi. Moment magique quand, assis au milieu du public installé dans une chapelle, plongée dans une semi-obscurité, Piers Faccini se met à chanter aux côtés du violoncelliste Vincent Segal. Ce dernier sera d’ailleurs de retour cette année avec Ballake Sissoko, en même temps que Get Wel Soon, Seb Martel…

« L’important, c’est le mouvement que l’on arrive à créer », insiste encore Olivier Connan. Et si c’était àça que l’on reconnaissait finalement les festivals qui comptent?

Laurent Hoebrechts

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