Le meilleur des docus musicaux à voir sur Netflix

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Sagas, portraits et mises en perspective historiques… Netflix possède une offre solide en matière de docus musicaux. Petit tour du propriétaire.

Si c’est essentiellement sur les séries que Netflix a jusqu’ici construit sa notoriété, de Stranger Things en Casa de Papel, la plate-forme de vidéos en ligne s’est aussi fait une spécialité du docu. Et tout particulièrement du docu musical. Le trompettiste Lee Morgan, la chanteuse soul Nina Simone, l’immortel Keith Richards, l’inoxydable Quincy Jones (apparemment en train de bosser avec Steven Spielberg et Oprah Winfrey sur un remake de La Couleur pourpre) mais aussi le studio FAME, en Alabama… Tous ont leur portrait à la demande chez le géant américain aux 137 millions d’abonnés.

Fin octobre, Netflix annonçait d’ailleurs la commande d’une série documentaire sur Prince à la réalisatrice Ava DuVernay. Soit le Kid de Minneapolis, love symbol et groove machine décédé en avril 2016 d’une overdose de fentanyl, raconté par la réalisatrice de 13th sur le 13e amendement à la Constitution américaine (film nommé aux Oscars l’an dernier dans la catégorie meilleur documentaire). Le producteur et distributeur états-unien ne s’arrêtera pas en aussi bon chemin. Petit passage en revue de ce qui se fait de mieux pour l’instant dans le domaine.

Tricky Dick and the Man in Black

Documentaire de Sara Dosa et Barbara Kopple. ***(*)

Johnny Cash, reçu par le président Nixon.
Johnny Cash, reçu par le président Nixon.

Comme Who Shot the Sheriff?, qui s’attaque à la tentative d’assassinat de Bob Marley, Tricky Dick and the Man in Black est un épisode de Remastered. Une nouvelle série documentaire Netflix qui propose d’éclairer, au rythme d’une par mois, des affaires de haut vol ayant secoué le monde de la musique. Avant de se pencher sur le meurtre de Jam Master Jay (le DJ de Run DMC) et la mort étrange du soulman Sam Cooke, Tricky Dick and the Man in Black s’intéresse au concert donné par Johnny Cash à la Maison-Blanche. On est en 1970, le président Nixon veut se rapprocher de l’Amérique populaire (certains diront profonde) que l’homme en noir, défenseur des outsiders et des opprimés, représente mieux que quiconque. Lorsque Cash soutient le chef d’État dans son émission télé, Nixon voit l’opportunité de renforcer sa cote de popularité. Plus qu’une bio, le récit contextualisé d’un événement historique sur fond de guerre du Viêtnam…

The Defiant Ones

Série documentaire d’Allen Hugues. ****(*)

Jimmy Lovine et Dr. Dre pour une tranche d'Histoire de la musique américaine.
Jimmy Lovine et Dr. Dre pour une tranche d’Histoire de la musique américaine.

Le premier incarne à lui seul un pan tout entier de l’Histoire du rock. Né en 1953 à New York, fils d’un docker d’origine italienne, Jimmy Lovine est passé de balayeur à assistant de l’ingé son de John Lennon pour finalement épauler Bruce Springsteen, produire Patti Smith, Tom Petty et U2, soutenir No Doubt, Nine Inch Nails et Lady Gaga… Désolé pour le name-droping.

Le second est un pilier, un mur porteur de l’Histoire du rap. Apparu un beau jour de 1965 dans la banlieue chaude (Compton) de Los Angeles, au milieu des gangs et de la violence de rue, Andre Romelle Young a écrit quelques-unes des plus belles pages du hip-hop avec les NWA et sous le nom de Dr. Dre, et a lancé Snoop Dogg, Eminem et 50 Cent.

The Defiant Ones (et ils sont tous là, morts exceptés, pour en parler) raconte la vie complètement dingue de ces deux jusqu’au-boutistes et avec elles 40 et quelques années de musiques américaines populaires. Réalisée par Allen Hugues (Menace II Society, From Hell…), cette exceptionnelle série documentaire en quatre épisodes d’environ une heure a tout. Le fond, la forme. La gueule. Le rythme. Le casting. Les histoires de maboule. Les méchantes conneries assumées (si, si). Et évidemment les ingrédients des success stories qui ne se déroulent pas comme prévu. Le Boss, Patti Smith, Bono, Trent Reznor, Snoop, Ice Cube défilent les uns après les autres en toute simplicité pour raconter leurs visions des faits et appuyer un lot hallucinant d’images d’archives brillamment agencées. Pourquoi un producteur de rock s’est-il associé au fer de lance du gangsta rap? Comment en sont-ils arrivés à signer un contrat de trois milliards de dollars avec Apple? Vous le saurez en regardant cette merveille et en plongeant dans les coulisses visqueuses de l’industrie du disque. Renversant.

Miss Sharon Jones!

Documentaire de Barbara Kopple. ****

Dans l'intimité de la reine de la soul, disparue en 2016.
Dans l’intimité de la reine de la soul, disparue en 2016.

Rarement un documentaire musical aura été aussi intime. Mais ce que certains pourraient considérer comme déplacé, comme un manque cruel de pudeur, contribue sans doute à toute sa puissance et sa justesse. Miss Sharon Jones!n’est pas un portrait, c’est l’histoire d’un combat. La bataille d’une reine de la soul contre la maladie. Le documentaire de Barbara Kopple commence fort. Sharon Jones a appris son cancer du pancréas et fond en larmes chez le coiffeur alors qu’elle se fait raser les cheveux. Tout de suite contrebalancé par son sourire et ses plaisanteries à l’essayage des perruques… La caméra la suit partout, dans ses séances de chimio et chez une amie où elle tente de se retaper en faisant de la peinture au numéro et en regardant la télé à longueur de journée… Dans ses pensées et ses doutes aussi quant à son avenir et à celui de ses musiciens.

On se promène avec elle en bagnole à Augusta, où elle partage ses souvenirs: les hamburgers qu’il fallait aller chercher à la porte de derrière comme les autres Afro-Américains et le perroquet qui criait « un nègre vole » à chaque fois qu’un Noir rentrait dans l’épicerie. Puis on assiste aux répétitions avec son band dans les studios vétustes de Daptone. On partage une visite hallucinante à l’église… Et quand Miss Sharon Jones! semble virer intrusif, tous ceux qui ont croisé la route de cet extraordinaire bout de femme savent qu’elle en aurait raconté tout autant avec son franc-parler et son sens de l’humour. Déchirant.

Chasing Trane

Documentaire de John Scheinfeld. ***(*)

John Coltrane, entre sensualité et mysticisme.
John Coltrane, entre sensualité et mysticisme.

« Quand on me demande si la musique instrumentale, de la musique sans paroles, peut véhiculer un message, je réponds aux gens d’écouter John Coltrane, nous racontait il y a quelques mois Kamasi Washington. Trane a donné de très rares interviews. C’est un mec de peu de mots. Il est très difficile de trouver des choses qu’il a déclarées. Mais son expérience et ce qu’il est en tant qu’être humain suintent de sa musique. » L’emblématique fer de lance du renouveau jazz faisait sans même s’en rendre compte la meilleure des publicités au docu réalisé par John Scheinfeld (dans lequel il apparaît d’ailleurs). Les images vidéo du légendaire saxophoniste se faisant rares (malgré quelques films de famille), Chasing Trane, raconté à la première personne par Denzel Washington, accumule les témoignages. Ceux de musiciens qui l’ont bien connu (Sonny Rollins, Benny Golson), d’autres qu’il a inspirés (Carlos Santana, Wynton Marsalis, John Densmore des Doors et l’ancien président des États-Unis Bill Clinton…). Mais aussi ceux de ses enfants et biographes. Ensemble, ils retracent le parcours d’un fils de pasteur méthodiste né en Caroline du Nord à l’époque de la ségrégation raciale. L’existence d’un musicien de génie marqué à vie par Charlie Parker, croisé aux côtés de Miles Davis (qui le poussa à soigner ses problèmes d’alcool et d’héroïne) et parvenu à se créer un style inimitable entre sensualité et mysticisme. Un docu aussi classique que riche sur un géant du jazz parti à seulement 40 ans…

Mr Dynamite: the Rise of James Brown

Documentaire d’Alex Gibney. ****

James Brown, ombrageux génie.
James Brown, ombrageux génie.

S’il fut le roi de la soul, un pionnier du funk et la plus grande bête de scène de l’Histoire de la musique, James Brown était aussi un perfectionniste tyrannique et radin qui foutait, d’un petit signe de la main, des amendes à ses musiciens en plein concert. Un mec solitaire et sans potes, hypnotisé par le fric et qui battait les femmes. Trépidant, passionnant, le documentaire d’Alex Gibney (produit par Mick Jagger) n’occulte pas grand-chose et brosse avec de nombreux témoignages et images d’archives le portrait d’un ombrageux génie. Aux premières loges, ses musiciens dévoilent la face sombre du godfather of soul. Dans l’une des scènes les plus marquantes, Melvin Parker, le frère de Maceo, se souvient même lui avoir foutu un flingue sous le nez. Un docu riche et bien balancé.

Mais aussi…

Sinatra: All or Nothing at All

Relations étranges avec la mafia et Kennedy, attitude dédaigneuse et tyrannique, carrière de businessman… All or Nothing at All retrace l’histoire du mythique crooner Frank Sinatra. Un homme à femmes qui aimait le pouvoir. Licite ou pas.

Who the Fuck is that Guy?

Homosexuel portoricain de Brooklyn, Michael Alago a grandi dans les clubs CBGB et Max’s Kansas City. Il a fondé le fan club des Dead Boys et a signé à 24 ans ni plus ni moins que Metallica. Le portrait d’un type que personne ne connaît…

Crossfire Hurricane

Bâti sur des interviews réalisées à la veille de leur 50e anniversaire, mais avec interdiction formelle de les filmer, Crossfire Hurricane raconte l’hallucinante et turbulente histoire des Rolling Stones. Sex (un peu), drugs and rock’n’roll.

SHOT! The Psycho-Spiritual Mantra of rock

L’Histoire de la musique, c’est aussi celle de ceux comme Mick Rock qui l’ont capturée. Portrait et rencontre d’un photographe de légende. Un proche de David Bowie à qui l’on doit les pochettes de The Madcap Laughs et de Transformer.

Hip-hop Evolution

Grandmaster Flash, Kool Herc, Ice-T, Run DMC et bien d’autres retracent la formidable Histoire du rap dans cette série documentaire canadienne en quatre épisodes. Du Bronx à Compton, le hip-hop pour les nuls. Mais pas que…

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