Critique | Musique

L’album de la semaine : Björk, au plus proche de ses racines dans Fossora

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© DR
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Album - Fossora

Artiste - Björk

Genre - Avant-Pop

Label - One Little Indian

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

L’aventurière islandaise revient avec un nouveau disque mutant, oscillant entre apaisements organiques et brutalisme électronique.

Début du mois, Björk annonçait l’arrivée de son dixième album, Fossora, avec la sortie d’un premier single. Son titre: Atopos. Pas besoin d’avoir pris option grec pour disséquer l’étymologie du terme: l’alpha privatif + “topos”, le lieu, l’endroit = absence de lieu. Une jolie pirouette de la part d’une artiste quasi systématiquement ramenée à sa terre natale, l’Islande. Après avoir parcouru le monde, Björk a d’ailleurs retrouvé récemment son île. “Merci” la pandémie et le confinement: depuis ses 16 ans, elle n’y avait plus passé autant de temps, explique-t-elle. Et elle a aimé ça. Fossora s’est ainsi largement nourri de ce retour aux sources. De quoi alimenter encore un peu la carte postale?

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Fossora détruit rapidement cette option. Après plus de 40 ans de carrière (elle a sorti son premier album solo à… 12 ans), on connaît évidemment la grammaire de Björk, son imaginaire, ses décalages. Pour autant, on reste épaté par sa manière de tordre le médium pop -jusqu’à abandonner définitivement l’idée de donner à sa voix une direction mélodique claire. Domestique, Fossora n’est jamais casanier. On a évoqué Atopos, groove dissonant coincé entre le beat martial du duo indonésien Gabber Modus Operandi, et les clarinettes avançant de guingois. Mais il y a aussi Ovule, sorte de reggaeton orchestral bizarrement embouché, tandis que le bien nommé Trölla-Gabba propose un trip indus angoissant. C’est Björk dans sa version la plus âpre et expérimentale.

© National

D’autres moments sont cependant plus apaisés. Au cœur du disque, Björk évoque ainsi sa mère récemment disparue: après la polyphonie de Sorrowful Soil, auquel participe son fils Sindri, le morceau Ancestress et ses violons enlevés sont directement adressés à la mémoire d’Hildur Rúna Hauksdóttir. En toute fin, Her Mother’s House interroge sa propre maternité, tendant cette fois le micro à sa fille Isadora…

Interrogée il y a quelques années par Libération sur son rapport à Bowie, Björk avait expliqué que, si elle avait toujours admiré l’artiste, elle n’avait pas l’impression d’appartenir à la même famille, tant le rock faisait partie du monde patriarcal. À sa manière, Fossora travaille à la construction d’un matriarcat, mettant en avant des valeurs d’attention, de collaboration. Et de nuances? En août dernier, Ican Harem, moitié de Gabber Modus Operandi, faisait un pas de côté après avoir été accusé d’agression sexuelle. Sa voix a d’ailleurs été retirée des bandes de Fossora. Malgré cela, Björk chante sur Atopos: “To insist on absolute justice at all times / it blocks connection”. Comme si, cinq ans après l’album Utopia, l’Islandaise entrevoyait les limites de la radicalité et mettait en garde sur des emballements qui empêcheraient toute discussion. À la place, elle insiste pour garder les portes ouvertes. “Hope is a muscle”, chante-t-elle encore. Plus que jamais, il va falloir l’exercer.

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