Critique | Musique

Jacques Duvall – Comme la romaine/Exit à Freaksville

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

CHANSON | À l’occasion de son Octave de la musique, le parolier dandy et chanteur accidentel se voit réédité via une compilation de ses années Freaksville et italiennes.

Jacques Duvall - Comme la romaine/Exit à Freaksville
© P. Schyns – Sofam

Jacques Duvall, Comme la romaine ****, Exit à Freaksville ***, disponible sur toutes les plateformes digitales.

Cela ne sort même pas en support physique: mondo tristo. Jacques Duvall eût été français ou anglais ou même flamand, ce qui nous sert d’industrie musicale se serait associée à la télévision publique pour sortir du coffret CD, du documentaire DVD et de l’exclu vinyle sur ce prototype unique d’ironie contagieuse. On aurait eu Duvall inédit, en vadrouille chez ses copines des bars chauds de la rue du Cirque ou même dans les derbys anderlechtois où le ballon rond dépasse la prédiction de Galilée. Genre édition de très grand luxe en peau de lapin, plutôt que cette messe numérique. Soit: la compilation des années Freaksville raconte donc l’histoire du quasi sexa -né le 1er août 1952- sauvé de l’existence solitaire de parolier via le label sérésien et un trip garage qui dure depuis maintenant 4 albums solos et 2006. Ils ont oublié l’incunable John-Cloude mais fournissent La chanson la plus triste du monde, Histoire belge, Sainte salope (…) et Le cri où Duvall se prend pour le loup-garou de Transwallonie. L’accompagnement musical, on le connaît, c’est amplis boucaniers et grattes farineuses sur batterie haut fourneau.

Chapelle Sixties

Ce qui tranche nettement avec le contexte mélodieux du tout 1er solo de Duvall, paru en 1983, sous l’influence italienne qui donne aussi son titre à l’album, Comme la romaine. Jacques explique son béguin transalpin d’époque: « J’avais une petite amie italienne, j’aimais les westerns spaghettis, les romances, Corto Maltese, d’où les reprises de Celentano et de Nino Ferrer, Français d’origine italienne. » Quand Lio suspend son 2e album, Marc Moulin suggère à Jacques de se réapproprier les chansons écrites pour la Bruxello-Portugaise enamourée d’Alain Chamfort. Ariola finance un disque où Duvall reprend ses propres textes sur des musiques signées Moulin/Jay Alanski.

Enregistrés au studio de Dan Lacksman dans les breaks de planning, les 10 titres paraissent aujourd’hui aussi modernes que charmants. Le son, clair et fruité, engrange l’optimisme des années 80 sans en pratiquer l’exhibitionnisme: on se balade dans le Duvall 1983 comme on visite une Chapelle Sixties qui montre les trésors de la Renaissance à la Mona Lisa. Tout en ciblant une chanson aux traits nettement rhythm’n’blues. En cela, l’affaire semble d’autant plus indémodable que les arrangements extirpent le meilleur des mélodies, tout en détournant partiellement le sens des textes: d’un improbable reliquat variété (Ti amo d’Umberto Tozzi), Duvall fait un contresens magistral (Je te hais), offrant par ailleurs une version brûlante du classique Le sud de Nino Ferrer. Confirmant ainsi qu’on peut à la fois avoir du génie dans l’art de la reprise et un humour élastique.

www.jacquesduvall.net

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