Flying Horseman: « Si notre musique est devenue plus pop, ce n’est pas parce que je suis moins radical dans mes goûts »

Bert Dockx (en haut à gauche) et ses cavaliers volants. Ne regardez pas le renard qui passe... © Alex Schuurbiers
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Après quatre albums avec Koen Gisen, Flying Horseman a embauché Jasper Maekelberg (Faces on TV, Balthazar, Warhaus) et explore à travers Mothership de nouveaux horizons. Entretien.

Quand il ne trouve pas le mot français nécessaire à exprimer clairement ses pensées, Bert Dockx cherche sur son ordinateur. À l’autre bout de l’écran, le leader de Flying Horseman est assis dans son salon. Il se promène dans son appartement, fouille dans ses disques. « On a répété hier (le 25 mai) pour la première fois depuis l’enregistrement de l’album. Ce qui a été bizarre avec ces retrouvailles, c’est qu’elles ne l’ont pas été du tout. Je rêvais de ce moment depuis deux mois. Pouvoir rejouer avec d’autres gens. Je me disais que ce serait un instant spécial, plein d’émotion. Pas du tout. On a pris nos instruments et on a commencé à jouer comme si le lockdown n’avait jamais existé. J’ai lu un article ce matin sur le changement dans notre perception du temps. Ce qu’on vient de traverser va un peu dans la direction de ce que vivent les gens en prison. J’habite seul. À un moment, je ne savais même plus quel jour on était. »

Comme tout le monde, l’Anversois est passé par plusieurs phases. Par différentes humeurs. « J’ai été un peu en panique au début. Déçu aussi après deux ans de travail sur le disque. C’était déprimant que tout soit reporté. Mais ensuite j’en ai vraiment profité. J’ai beaucoup joué de guitare chez moi. Pas pour créer, juste dans le moment. Comme un enfant. » Quoi qu’il advienne, concerts ou pas, Dockx ne devrait guère s’embêter cet été. Il vient de se voir proposer la BO d’un documentaire, le portrait d’un chauffeur routier qui traverse l’Europe en même temps qu’une critique du système économique.

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Après quatre disques enregistrés à Gand avec Koen Gisen dans un environnement familial (avec An Pierlé en cuisine pour les pauses dinatoires), Mothership a été fabriqué aux Pays-Bas dans un gros studio old school en compagnie de Jasper Maekelberg. « Il n’y avait pas d’idée. Il n’y en a jamais. En août 2018, on a organisé les premières répétitions. Très vite, on a senti que ce qui nous plaisait le plus était funky, rythmique et assez ouvert. Pas super introverti en tout cas. On a cherché à développer tout ça. On avait de manière générale envie de changement. Tout le monde était d’accord pour une production qui se concentre sur la basse et la batterie. Sur le rythme, le groove, la danse. Quelque chose qui brille. »

Malgré sa méfiance et ses doutes habituels, Dockx a décidé de travailler avec le leader de Faces on TV, producteur de Warhaus et Balthazar. « L’idée me semblait intéressante mais je n’avais pas lancé de grandes recherches sur tout ce que Jasper avait fait et comment ça sonnait. Sa musique et ses productions, ce ne sont pas des choses que j’ai beaucoup écoutées. On s’est vus et j’ai tout de suite été convaincu. Beaucoup plus que par ce que j’avais entendu. On est différents. On n’a pas les mêmes goûts. En écoutant, tu comprends vite qu’il vient davantage du côté pop et moi de la musique alternative, jazz, expérimentale. Ça se chevauche. Mais c’est un peu autre chose. Tout de suite, on a découvert qu’il y avait quelques disques qu’on adorait tous les deux. Notamment Remain in Light des Talking Heads, qui a toujours été pour moi une référence. »

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Disque pop Mothership? Pas de gros mot. Il faut d’abord s’entendre sur la définition. « Quand on utilise ce terme, on pense à… Je ne sais même pas. Drake? On va me dire: « Allez mec, ça, c’était il y a six ans » (il rigole). Le truc hyper populaire sur Spotify en tout cas. La musique qui vend le plus. Ce que je ne connais vraiment pas. Mais tu as aussi une conception de la pop disons classique. Les Beatles, Fleetwood Mac, les années 80, Kate Bush avec sa démarche expérimentale. » La musique d’aujourd’hui qui intéresse Bert Dockx est assez obscure. Souvent électronique. « Je ne suis pas plus mainstream qu’il y a dix ans. Ça s’est juste élargi un peu. Il y a une petite ouverture. Je porte moins de jugement. Et si notre musique est devenue plus pop -les rythmes sont tellement absurdes que ce n’en est pas vraiment non plus-, ce n’est pas parce que je suis moins radical dans mes goûts. C’est d’abord un sentiment collectif. Une envie commune d’insister sur cette facette du groupe. On se sentait bien, je crois. Ça s’est traduit par une musique un peu plus up tempo. On voulait enregistrer un album court aussi. On n’y était jamais arrivés jusqu’ici. »

#MeToo

Le rôle d’un producteur varie fortement en fonction des projets, des artistes, des tempéraments… Bert se souvient de la manière très défensive avec laquelle il avait accueilli Koen Gisen. « À l’époque, on savait ce qu’on voulait, ce qu’on était. On n’avait pas besoin de quelqu’un qui nous dise: « moi, je couperais la première partie de cette chanson« . J’avais connu une mauvaise expérience, un disque jamais sorti de Flying Horseman. Je n’étais donc pas très agréable la première fois où j’ai parlé à Koen. J’étais un peu arrogant. Comme si je devais défendre mon château. Mais il a été intelligent. Il m’a laissé faire. On en a souvent rigolé par la suite. »

Les morceaux étaient déjà prêts quand Jasper Maekelberg est arrivé dans la fabrication de l’album et les chansons n’ont pas beaucoup changé au niveau des arrangements. Il n’en a pas moins exercé une influence considérable sur ce disque à la fois distingué et démonstratif. « Avec Jasper, ça a été un peu différent. On s’est davantage laissé produire. Il a naturellement pris un peu plus de place. Dans de petites choses mais des choses importantes. Il a tout de suite compris Flying Horseman musicalement et socialement. Il a trouvé un lien naturel entre ce qu’on est, ce qu’on fait et sa personnalité comme producteur. Et ce sans jamais qu’on ressente de tension. »

Comme la musique qui va avec, les paroles de Mothership sont moins introverties. « J’aborde notamment des questions de genre. C’était très présent dans les médias. J’ai beaucoup réfléchi sur #MeToo. J’en ai énormément discuté. J’ai beaucoup appris sur moi-même et sur les autres. C’était en moi. D’un point de vue sociétal, politiquement et sur un plan plus personnel. Mais bon, ce n’est pas non plus un concept album… »

Mothership, distribué par Unday. ***(*)

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