Dour J5: Bonjour l’angoisse

Oxmo Puccino © BELGA/Aurore Belot
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Où il est question de recettes de vieux singes (Kerri Chandler, Oxmo Puccino…), de délires de jeunes sagouins (Vald…), et de la réalité qui, même à Dour, finit toujours par vous rattraper.

Les vieilles casseroles

Avant de débarquer à Dour, juste après le poulet compote du dimanche, on a encore eu le temps de comater devant la rediff d’Un dîner presque parfait (#noshameinmygame). Au milieu des kékés de téléréalités habituels, devinez quoi, c’est le papet et ses vieilles casseroles qui a tout déchiré. Quelques heures plus tard, à Dour, c’était pareil. Sur la scène Elektropedia, le père Kerri Chandler (premier single sorti en 91 quand même) a donné une leçon de bistronomie deep house. Classique, absolument sans surprise, mais totalement jouissive. Du groove goûtu, long en bouche, transpercé de suppliques gospel foudroyantes et de ratonnades de piano. Le tout sous le soleil. Le point Ibiza du jour.

Tous les raps sont dans la nature

Dans la famille rap gaulois, je demande le sale gamin. À Dour, c’est peu dire que Vald est comme à la maison. Son penchant pour le second degré (voire le troisième, quatrième…), ses punchlines trash, ses outrances de branleurs magnifiques: le client idéal pour un dimanche, où le festivalier ne lache toujours rien.

Fallait voir ça. La Boombox blindée, le rappeur et ses camarades survoltés (DJ Weedim & Suikon Blaz). On va rassurer toutes les mères! », gueule le possédé, qui entame Promesse: « Non, maman/Je me drogue pas »… Y a pourtant du monde sur la corde à linge. Entre film d’horreur, délires politico-potaches, interludes portenawak, Vald raconte tout et surtout et n’importe quoi. Pour rappel, ses deux albums s’intitulent NQNT, pour Ni Queue, Ni Tête. À bon entendeur…

« Je suis un poisson »,affirme-t-il encore, bientôt repris en choeur par la foule réjouie. Suivront Selfie, puis forcément le carton Bonjour. En quittant la scène, Vald repart en ayant récolté quatre soutien-gorge et un string. Mission accomplie pour le concert feelgood du jour (mais qui vous fait sentir un peu sale quand même).

Même endroit, autre délire: Oxmo Puccino, le seul, l’unique. Comment allait se débrouiller le black Popeye, clairement à 1000 lieues des tendances rap du moment? Bien, très bien même, merci pour lui. Toujours en décalage avec la mode, donc jamais vraiment démodé, Oxmo a la classe pour lui. Et aussi un band au poil (guitare, basse, batterie, clavier), ainsi qu’un jeu de lumières chiadé. Certes, parfois, on aimerait qu’il glisse un peu plus d’épaisseur musicale à ses morceaux – notamment quand il se rapproche trop du format chanson. Fort de ses classiques (Toucher l’horizon, Mama Lova, Où est Billie?…), Oxmo dégage toutefois une assurance et une bienveillance qui forcent le respect.

La nuit des zombies

Dimanche soir. Les DJ prennent le pouvoir. Dans la Petite maison dans la prairie, Helena Hauff et sa dark techno. Volontiers vintage, souvent vicieuse, ramenant jusqu’à des vieux sons EBM/New Beat. La couleur du jour? Noir de chez noir. Du côté de la grande scène, Boys Noize bastonne, mais distille la même angoisse. Sur les écrans du fond, défilent des images de policiers antiémeutes prêts à en découdre. Sur le côté, le A cerclé évoque celui des anarchistes. L’évasion par la danse? Dans ce cas-ci, la musique électronique donne plutôt l’impression de vous remettre le nez dans le caca, se branchant directement sur le climat anxiogène du moment. En face, dans le dance hall, Etienne de Crécy est-il prêt à donner le change? Devant nous, une danseuse déchaînée porte le masque de Guy Fawkes, de V pour Vendetta, repris notamment par les Anonymous. « Cut the crap », assène de Crécy. Pas mieux.

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