Critique | Musique

Crystal Castles – (III)

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

ROCK | Sombre, cafardeux, pervers aussi, le troisième album des canadiens de Crystal Castles est aussi leur plus accessible. Apocalypse now…

CRYSTAL CASTLES, (III), DISTRIBUÉ PAR FICTION/UNIVERSAL. ***

EN CONCERT LE 10/12, À L’ANCIENNE BELGIQUE, BRUXELLES.

Il doit y avoir quelque chose dans l’air canadien. Des restes de Printemps érable peut-être, comme un soupçon de révolte. Il y a quelques semaines, le collectif post-rock Godspeed You! Black Emperor refaisait surface avec son album le plus ouvertement politique. Aujourd’hui, c’est Crystal Castles qui part au front. Le duo de Toronto a toujours été énervé. Depuis les débuts, son électro-rock baigne dans un esprit punk. Récemment, Alice Glass (chant) s’en prenait à Katy Perry, l’idole teen-pop étant accusée de contribuer à la sexualisation à outrance des gamines. « On a besoin d’une armée parce que le main-stream hait les femmes! »

On n’est donc pas étonné de voir débarquer un 3e album plus sombre que jamais. Sa pochette accentue encore le propos: une reproduction arty d’un cliché de Samuel Aranda. Le photographe indépendant espagnol a passé des mois au Yémen, où il a suivi le soulèvement populaire contre le président Saleh. Publiée d’abord de manière anonyme, sa « pieta » montre un combattant blessé dans les bras de sa mère -elle lui vaudra l’Award du World Press Photo of the Year 2011…

Trouble intérieur

Crystal Castles reste donc ce groupe « conscientisé », énervé, que même un premier tube crossover (Not in Love, avec la participation de Robert Smith) ne saurait attendrir. Le monde est un grand chaos, un beau bordel, gangréné par toutes sortes de formes d’oppression, que même les fantaisies rose bonbon des idoles pop ne sauraient faire oublier. Au risque parfois pour le duo de surligner son discours -par exemple en ouvrant les hostilités avec un morceau intitulé Plague… La premier combat de Crystal Castles ne semble pourtant pas tant politique qu’intime. C’est peut-être la claustrophobie intrinsèque de l’objet qui alimente cette impression: le trouble est d’abord intérieur, personnel. A cet égard, la descente est vertigineuse. Plongée dans des ambiances cold wave eighties polaires, la voix d’Alice Glass est par exemple plus fantomatique que jamais (Wrath of God). Du coup, si bataille il y a, elle semble surtout perdue d’avance…

Le trip de Crystal Castles est donc glacial. Mais il n’en est pas moins contradictoire. Car si le 3e album des Canadiens ne se noie pas corps et âme dans son spleen, c’est aussi parce qu’il est peut-être leur disque le plus accessible, le plus mélodique. A ce stade-là, l’exercice en devient presque pervers. Plus encore quand les Crystal Castles, renouvelant leurs collections de synthés, se piquent de glisser des plans euro-trance (Plague, Affection…). Dans le genre, Sad Eyes en est l’exemple aussi parfait que limite, avec son riff à la Tiesto. Certes, pour celui qui baisserait la garde, un morceau comme Insulin (1’47 d’énervement abrasif, poncé au papier de verre) vient redonner une décharge d’électricité. La morale finale restant de toute façon la même: tout ça risque de se terminer mal. En Angleterre, The Independent écrivait à propos de l’album qu’il ne fallait pas chercher plus loin la B.O. de la prochaine fin du monde. On confirme…

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