Coupe du monde de slam: la poésie comme un grand chelem

Des mots ciselés, scandés, enragés, intimes et déjantés, disant l’incongruité et la rage de vivre, font vibrer le quartier Belleville à Paris où se tient jusqu’à dimanche la 7e coupe du monde de slam, grand chelem international de poésie déclamée qui oppose 21 compétiteurs d’Afrique, d’Amérique et d’Europe.

« Soyez respectueux, public, de votre exubérance!« : Pilote the Hot, maître de cérémonie, n’avait pas besoin de chauffer la salle mardi soir.

Une centaine de personnes, jeunes et moins jeunes, avaient investi l’Espace Belleville dès 19H30 pour assister à cette joute poétique, née aux Etats-Unis en 1986 et popularisée au début des années 2000 en France par Grand Corps Malade, mais sur fond musical.

Coupe du monde de slam: la poésie comme un grand chelem
© DR

« Une hérésie« , selon Pilote, pionnier français de la discipline, qui rappelle que « le slam n’est pas de la chanson mais un grand chelem sportif, comme le rugby, et un festival de poésie déclamée funky, rock’n’roll, populaire« .

Avec leurs « Historiettes mythologiques« , « Riche et pauvre, jeu de mots« , « Polytrauma« , « Réunion tribale« , « Poésie des déesses« , « distributeur automatique musical« …Eupédien Deschardons (France), Daniel Orviz (Espagne), Didier Tanguy (Gabon), Lews Barbosa (Brésil) et Youness Mernissi (Belgique), l’ont démontré avec brio, scandant leurs textes à un rythme effréné, sans bande son ni mise en scène, avec une énergie communicative.

Accents rimbaldiens

Les textes, qu’ils ont écrits, défilaient sur grand écran dans leur langue maternelle ainsi qu’en français et en anglais, déclenchant exclamations, sifflements et éclats de rires, suivis de tonnerres d’applaudissements.

« Pour nous délivrer de ce qui est laid (…) de celui qui veut nous plaire (…), de ce qui fait mal« , a martelé dans un roulement de « R » truculent, Daniel Orviz, 36 ans, graphiste, premier à entrer en lice.

T-shirt noir et chapeau blanc, l’Espagnol a conquis le public en trois performances de trois minutes chacune, notées par un jury de cinq profanes attribuant une note de 1 à 10.

« J’ai tout donné!« , dit-il à l’AFP. En frôlant le 10 ultime, comme en patinage artistique, il s’est qualifié avec le Gabonais Didier Tanguy pour les demi-finales.

Cherchant « la sonorité » et traitant « de sujets de fond (société de consommation, prostitution infantile, racisme…) détournés avec humour car sans l’humour tu es foutu« , l’Espagnol a « impressionné« . Eupédien, le Français, est « un peu déçu » de sa propre prestation, en dépit de la fulgurance de ses textes aux accents rimbaldiens.

Inspiré par « l’érotisme et l’incongru« , Eupédien, 26 ans, dit « chercher l’universel dans l’anecdotique« .

Jouant des mots avec dextérité (« le pauvre est un cas à part, avant d’être un cas, il est souvent au fond de la classe peut-être parce qu’il tient à sa classe…), Didier le Gabonais a ravi lui aussi le public.

Corde sensible et romantique, le Belge Youness Mernissi, « préféré » de Noah Kann, un spectateur de 11 ans, a rivalisé de finesse (« contre les clichés qu’il faut savoir développer mais pas à la lumière du jour, ils sortiraient flous« ), comme le Brésilien Lews Barbosa, dont la langue sensuelle (« il n’existe qu’une seule vérité que la sagesse appelle diversité« ) a touché les jurés.

« Je suis impressionné« , a commenté à l’AFP Hamida, enseignant de 59 ans, à l’issue du premier round. « Je ne m’attendais pas à tant de culturel intime, transpirant la sensibilité comme une rébellion« .

Suède, Allemagne, Danemark, Angleterre, Ecosse, Etats-Unis, Canada, RDCongo, Finlande, Pays Bas, Israël, Norvège, Portugal, Québec, Roumanie et Russie devaient entrer en scène plus tard avant la finale samedi.

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