C’est arrivé près de chez Vald

Vald, rappeur trublion © Libitum
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Avec Vald, le rap français se retrouve un trublion trash et fendard, bordélique et fulgurant. Rencontre.

Ca démarre au moment où Vald vous tend la main. En garçon bien élevé, on s’exécute: « Bonjour! »… Un simple mot certes. Un détail même pour vous, mais pour Vald, ça veut dire beaucoup: 5 millions de vues sur YouTube et le hit rap underground le plus déglingué de 2015. Le morceau au lexique fleuri raconte: « Il a pas dit ‘Bonjour’/Du coup, il s’est fait niquer sa mère »; et développe « c’est-à-dire que le mec arrivait… » La suite, c’est du grand n’importe quoi, guignolade trap et trash qui fait rimer « croix gammées » et « tombe à Mémé ». Vous vous rappelez des années 90, d’Alliance Ethnik parlant de « respect, de cette valeur qui se perd »? Vald en donne la version gore, en jouant le psychopathe barré. Aussi naze que jouissif.

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Lâché au mois de juin, Bonjour annonçait l’album NQNT 2, suite d’un premier volet paru, lui, un an plus tôt. Le titre acronyme a valeur de manifeste: NQNT pour Ni queue ni tête. Rencontré dans les loges du Reflektor, à Liège, Vald confirme, rigolard: « La seule ligne, c’est le chaos, l’absurdité. » A cet égard, le rappeur pousse d’ailleurs le bouchon encore un peu plus loin sur son autre single, Selfie. Derrière le refrain neuneu et la mélodie guimauve, Vald rejoue le Fais-moi mal, Johnny de Boris Vian avec une violence outrancière –« Elle aime bien que j’la fasse rire, elle préfère quand j’la martyrise ». L’amour vache? Oui, directement au rayon boucherie-charcuterie.

Pour le clip de Selfie, Vald a fait appel à des acteurs de film X. Trois versions ont été tournées. La plus « explicite » n’est visible que sur Pornhub: elle a déjà atteint le million de vues… Coup de génie ou grosse fumisterie? Nanar génial ou humour à deux balles? « Je ne suis pas le meilleur juge pour trancher. Je sais juste qu’à un moment, j’ai décidé qu’il n’y avait plus de connerie. Ni de chef-d’oeuvre. Donc je sors tout (sourire). » Mais encore? « Mon seul critère, c’est la force du morceau. Ça, j’arrive plus ou moins à l’évaluer. Mais après, parler de qualité, de bon goût ou de mauvais goût, j’ai arrêté. Ça sert à rien. »

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Sale gosse

C’est vrai que Vald assume tout. Ses couillonnades comme son inculture crasse, geek fan de films d’horreur et de jeux vidéo, tombé dans le rap un peu par hasard. « Mes références sont très pauvres. Personnellement, ça ne me ne gêne pas du tout. Mais je pense que ça change beaucoup de choses. Au départ, je flashe sur les freestyles de Sexion d’Assaut. Oué, je sais… » Un jour, en jouant à Marvel vs Capcom, il se retrouve à rapper des paroles entières du Wati B, sur un instru de Dr Dre qui passe en musique de fond. « J’avais toujours trouvé ça impossible à faire. Cela ressemblait à de la science, quasi mystique. Et là, tout à coup, ça sortait tout seul. J’étais choqué! »

Dans la vraie vie, Valentin (né en 1992, à Aulnay-sous-Bois, Seine-Saint-Denis) a quand même entamé des études de médecine (« une connerie, je suivais une meuf »), chopé une licence en math-info, puis s’est inscrit à une école de son. Entre-temps, le rap a toutefois pris de plus en plus de place. Aujourd’hui, il bugge sur Drake (« mon héros ») ou, surtout, Young Thug: « C’est le sale gamin au fond de la classe qui te chope à chaque fois des 20/20, c’est énervant.«  Y a de ça aussi chez Vald, rappeur pratiquant la provoc et l’injure avec un panache assez fendard, quelque part entre Eminem (« C’est débile/J’ai pas l’pedigree », sur Retour) et Houellebecq (dont il reprend un bout d’interview sur le même morceau: « J’accepte ma supériorité avec calme »), mélange de cynisme et de nihilisme. « Ah non, c’est horrible, surtout pas. En vrai, je suis quelqu’un de superpositif. Je veux de la couleur, des papillons. J’aime beaucoup les étoiles, l’idée d’avenir et de passé, que tout est en même temps (sic). L’idée de reptile aussi, de pyramide… J’aime beaucoup l’horizon. En fait, je suis même très optimiste (sourire). Et très peu « la vie n’est qu’une vallée de larmes et de sang ». » Et cela, même s’il reste fan d’une série comme Halloween ou qu’il s’amuse à glisser dans son album, bien planqués (Nichon), l’un ou l’autre extrait de C’est arrivé près de chez vous… « Euh, ah bon? On en a laissé? La vérité, c’est qu’il y en avait quasi sur chaque morceau. On a tout viré. Enfin, on pensait avoir tout viré… Ce film, c’est un classique de fou. Tout est incroyable: les dialogues, les personnages, les temps morts, les gimmicks… Il n’y a pas de relation plus authentique que celle entre Ben et Rémy. Enorme. »

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Malin, Vald évite de jouer la pose hardcore/banlieue –« J’encule les cailleras, les camés/Acclamez les calmes » (sur Aulnay) ou encore sur Urbanisme: « J’avais des potes qui jouaient les fous/séchaient les cours et séjournaient en bas des tours/j’comprenais pas, j’disais comme ça: « Mais, gros, t’es fou?/On voit des tours toute la journée, toi, tu t’barres pour y retourner/Fais des détours, au moins, j’sais pas, fais l’tour, va voir autre chose. » Pour autant, Vald est loin d’enfiler le costard rap conscient. « Je n’aime pas trop ça. Au bon sens, je préfère le non-sens… »

On devine que Vald a surtout peur de se faire coincer dans un rôle. Pas sûr en effet qu’il soit toujours très à l’aise avec la notoriété acquise ces derniers mois… Surtout que sa pratique récurrente du second (troisième, quatrième…) degré reste un exercice risqué. En rap, plus qu’ailleurs, l’humour a souvent été mal perçu. Peut-être parce que le genre, du moins en France, a démarré un peu comme une blague (le gag Benny B) ou a souvent été réduit à la parodie (Fatal Bazooka). Peut-être aussi parce que le rap, en général, continue à être mal compris, voire méprisé -cf. le récent passage, gênant, de Nekfeu sur le plateau de Ruquier… « Je n’ai pas la prétention d’être drôle, explique Vald. A aucun moment, je ne veux faire rire les gens. » Même avec un morceau comme Selfie? « Disons que j’aime parfois faire des blagues, mais tout en restant très sérieux. Du coup, tu dois te démerder: c’est à toi de décider si tu veux rigoler ou pas. » Il continue: « C’est comme le mec qui te fait un tableau blanc. Il ne peut pas exiger qu’on comprenne directement ce qu’il a voulu dire. Moi, c’est pareil. Je ne fais que des trucs absurdes et abstraits. Je ne suis moi-même pas toujours sûr de ce que j’ai voulu dire. » Sur Infanticide, Vald rappe ainsi: « Si tu bois mes paroles/tu vas puer de la gueule. » Santé…

VALD, NQNT 2, DISTR. UNIVERSAL.

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