BSF J3: Rachid Taha, Dandy Warhols et Madness

The Dandy Warhols © Frédéric Pauwels
Serge Coosemans
Serge Coosemans Chroniqueur

À des degrés divers et avec une qualité artistique variable, Rachid Taha, Dandy Warhols et Madness ont tous davantage fait du cirque que du rock pour ce troisième soir du Brussels Summer Festival.

Vu son parcours, ses origines et son diplôme de nightclubbeur patenté, Rachid Taha pourrait délivrer avec grande grâce le soundclash ultime entre rock, techno et musiques méditerranéennes et arabes. Un truc ouf, mystique, sexuel et extrême. La transe, Sidi. Le genre Omar Souleyman. Pourtant entourés d’excellents musiciens, dont certains issus de l’entourage de Joakim, DJ et producteur parisien assez idéal pour s’occuper de ce genre de délire, l’ex-Carte de Séjour ne délivre pourtant pas ce genre de folie. Il reste sage, gentil, familial, à vrai dire plutôt pataud. C’est une musique qui cherche à faire frapper dans les mains et onduler les bassins et il lui manque clairement le vrai parfum des milles et une nuits, ce trip Club Med étant somme toute très convenu, donc plutôt ennuyeux. La reprise de Rock the Casbah du Clash synthétise parfaitement cette impression de passer à côté de l’essentiel et du coup de génie véritable. Sur scène, Taha et son gang la font sonner comme un bon gros tube de mariage, un classique à reprendre en choeur. L’idéal serait évidemment une bombe atomique politique, vénéneuse et hargneuse, un chant d’espoir pour les révoltes arabes, le fuck off d’un « Auvergnat » aux ailes droites trop zélées de France et de Navarre. Il se fait que Rachid Taha pratique l’entertainment un peu trop facile, quasi variétoche, alors qu’il pourrait être une contre-pouvoir majeur s’il se prenait un peu en mains. Comment dit-on Never Mind the Bollocks en arabe? Ou mieux, Sandinista?

Têtes à claques par excellence, les Dandy Warhols ont quant à eux sans doute délivré le meilleur concert du festival. Ca n’a pas eu l’air de percuter dans le public, vu le nombre de visages impassibles et plutôt consternés par la longue absence de tubes et de morceaux enlevés, le groupe ayant commencé son set par de longues et lentes chansons psychédéliques, dignes de leurs meilleurs ennemis enfumés, The Brian Jonestown Massacre, et toutes tirées de l’album Thirteen Tales from Urban Bohemia, qui fête tout de même ses 13 ans. Malgré un son assez pourri, quelques compositions quasi-débiles (bonjour les samples de volaille) et un peu de Spinal Tap attitude, les Américains sont toutefois restés assez prenants, de vrais pros du rock and roll circus pour gamines de 14 ans aujourd’hui trentenaires et fans de la série Veronica Mars, dont le We Used To Be Friends de générique quasi en clôture de set a du faire tomber pas mal de francs dans la tête des gens présents se demandant jusque là qui étaient ces types sur scène, leur vie, leur oeuvre.

Et puis, ce fut au tour de Madness, pour le plus grand plaisir des vieux skinheads rangés des battes à clous tout de même présents en nombre. Ska de bistrots de blanc-becs, sorte de Blues Brothers londoniens amusants mais réactionnaires, plus proches des chansons à bambas qui se mixent au Big Bisou de Carlos dans les animations de mariage que du rock steady classe et socialement pertinent des Specials, Madness offre un show parfaitement calibré pour une télévision flamande un soir de jour férié ou une croisière sur La Meuse. Tubes après tubes, ça mouline avec la subtilité de La Grosse Bertha devant un escadron russe sur le Danube. Le public semble ravi, nous on boit des bières en calculant la marge bénéficiaire monumentale que doit se faire l’orga avec son système de gobelets consignés. Bref, on a encore passé une soirée à se foutre quasi complètement de la musique, sans qu’elle ne soit pour autant pénible à traverser. C’est ça aussi un festival à 500 mètres de chez soi: un second bureau, une terrasse debout, du boum boum qu’il vaut mieux manger sur place que subir entre ses murs. Meilleure vanne de la soirée: Polbru I Love You But You’re Bringing Me Down.

Toutes les photos de Rachid Taha, The Dandy Warhols et Madness par Frédéric Pauwels.

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