Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

LES TOURS DE BABEL – LORSQU’ON VEND PLUS DE 600 000 EXEMPLAIRES DE SON DISQUE LA PREMIÈRE SEMAINE DE SORTIE AUX USA, PEUT-ON ENCORE DÉCEMMENT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME DU FOLK INDIE?

« BABEL »

DISTRIBUÉ PAR V2 RECORDS.

En dépassant le demi-million de ventes physiques en une semaine, le groupe anglais réalise le meilleur score nord-américain depuis la sortie du Black Ice d’AC/DC en 2008. Doublant au passage Justin Bieber (…) de plus de 200 000 copies, arrivant juste derrière le record de Lady Gaga en téléchargement légal, au-delà des 420 000 albums virtuels. Pas mal pour un quatuor qui, lors de son premier disque paru en 2009, est supposé donner un coup de balai sous le lit du vieux folk anglais via des mélodies fringantes, au carrefour des mémoires celtiques de l’île et d’une formule pop lessivée par l’enthousiasme. En trois ans, l’affaire se vendra à plus de 5 millions d’exemplaires. Logiquement, Babel prolonge semblable direction artistique, avec un bonus de dramatisation supplémentaire. Particulièrement dans la voix de Marcus Mumford, 25 ans, dont le larynx écaillé évoque un Joe Cocker qui depuis Wood-stock aurait exclusivement navigué à l’eau minérale. De la fiction, donc. Le premier opus était plaisant, particulièrement au registre des ballades, guère originales mais agréablement polies au spleen, truc idéal pour jouer les farfadets au coin de l’âtre en se croyant trop roots, tu vois.

Envolées triomphalistes

Ici évidemment, l’effet est d’autant plus dilué que les chansons offrent peu de nuance, pratiquant la rusticité à haute dose, sans qu’elle ne s’en trouve magnifiée sur la longueur. Avec une tendance à la hargne -lisez énergie- dans la plage titulaire comme dans Lover Of The Light ou Below My Feet, proto-U2 dans ses envolées triomphalistes. Dans ces moments-là, aucun doute quant au large clin d’£il fait au vaste marché américain, amateur d’imprécations diverses et superfétatoires aptes à remplir les caisses des stades. Mumford And Sons ne fait jamais que rejouer la vieille pièce du yoyo transatlantique, la culture anglaise renvoyant à la matrice originale US les traces de son propre background culturel revitalisé. Ce que les Stones dans les années 60 et Led Zep à la décennie suivante ont fait en revisitant le blues, Mumford l’accomplit dans le registre folkeux pastoral. Celui-ci renvoie autant à l’Angleterre qu’aux sonorités des Appalaches ou de la néo-country, ce qui n’empêche pas l’album d’être ci et là séduisant, dans les moments qui se contentent d’être dépouillés et non pas de dépouiller les plans des ancêtres… Holland Road et ses grognements de ralenti neurasthénique (on dirait dEUS) incarnent le meilleur tempo d’un disque qui, malheureusement, use et abuse des redites et d’une combinaison banjo/mandoline irritante, surtout dans les galops de cordes béats comme un vieux cheval en érection. Même s’il y a plus d’électricité ici que dans le premier tome, l’impact est moins électrique, et l’écrire n’est même pas un truc dialectique… l

PHILIPPE CORNET

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