DERNIER EN DATE DES DISQUES TRIBUTE, CELUI OÙ LES BRANCHÉS MGMT, THE KILLS ET ANTONY HEGARTY ENREGISTRENT UN HOMMAGE À FLEETWOOD MAC. AVATAR D’UN GENRE DEVENU NICHE…

Le moment sublime de cet album de 17 reprises vient en deuxième titre, quand Antony (Hegarty) reprend à son compte Landslide, accompagné d’une seule guitare acoustique: comme souvent chez lui, la visite de chapelle se transforme en Vatican émotionnel. Dans sa version originale, il s’agit d’une ballade extraite de l’album éponyme Fleetwood Mac paru en 1975. L’interprète et compositeur, Stevie Nicks, tire une inspiration mélancolique de son absence de succès au mitan des années 70, d’où le titre, Glissement de terrain. Le destin de Nicks et de son partenaire Lindsey Buckingham changera nettement quand ils seront embauchés dans Fleetwood Mac fin 1974. Celui d’Hegarty et des autres artistes de ce Tribute To Fleetwood Mac vient, pour l’occasion, de deux producteurs américains, Gelya Robb et Randall Poster. Ce dernier est un habitué du recyclage vieux/jeune, ayant notamment supervisé la plupart des BO des films de Wes Anderson, I’m Not There, le biopic de Dylan resaucé par Todd Haynes ainsi qu’un hommage accordé à Buddy Holly selon le même principe: faire reprendre par des chanteurs toujours en action un répertoire plus ou moins ancien et décati. Artistiquement et/ou commercialement fameux. Le procédé de disque « hommage » est souvent une initiative de producteur spécialisé: depuis son Amarcord Nino Rota –reprenant en 1981 les standards du compositeur de Fellini-, l’Américain Hal Willner a multiplié les albums du genre, honorant entre autres Thelonious Monk, Kurt Weill, Leonard Cohen ou même les chansons de pirates… Le premier disque à jouer ce jeu est sans doute The Chipmunks Sing The Beatles Hits où, en 1964, les personnages d’un cartoon américain chantent les Fab Four. Une décennie plus tard, en octobre 1973, Bowie choisit douze titres issus des années 60 pour honorer ses souvenirs persos (Who, Kinks, Floyd etc). Le Tribute cible forcément des célébrités -Bowie à lui seul a déclenché une douzaine d’albums de reprises de ses chansons par autrui- mais met aussi un point d’honneur à glorifier des artistes (semi)maudits tels que Roky Erikson, Vic Chesnutt ou Syd Barrett. Parfois, l’original vient duettiser avec le repreneur, ce qui, en 2010, donne l’occasion à Arno de chanter en compagnie de son idole de jeunesse, Ray Davies, sur un disque où Ray interprète Davies ( See My Friends). Même cas de figure pour Ben Harper qui sort ces jours-ci By My Side, réenregistrement -d’ailleurs assez vain- de ses propres chansons. Principe inamovible: quel que soit l’hommage entrepris, il vaut mieux qu’il soit juteux, c’est le cas du Mac.

Hédonisme Côte Ouest

Ce Tribute au Mac dégage donc les tentatives inspirées -celle d’Antony- et puis les autres, moyennes ou banales, de Marianne Faithfull, Karen Elson ou Matt Sweeney. Au rayon des mimétismes, la première plage nous replonge dans une version quasi homonymique d’ Albatross, où le guitariste de Sonic Youth, Lee Ranaldo, reproduit les arpèges magiques de 1969 de Peter Green. Le jeu de Green est unique, la voix de Stevie Nicks l’est tout autant: on ne s’attend pas à ce que le duo californien Best Coast reprenne Rhiannon, titre chanté et écrit par Nicks, avec les mêmes intonations nasillardes… Ni à ce que The Kills opèrent pareillement sur Dreams, seul numéro un en single du Mac en Amérique. Faire autre chose de la matière première, ok, mais jusqu’où la métamorphoser? Les Californiens de Gardens & Villa (…) y parviennent sur un morceau également fameux: du Gypsy original, 4 x 4 broutant à fond l’hédonisme Côte Ouest, le groupe ne restitue qu’une splendide carcasse bio. A l’exception de trois titres issus de la fin sixties -celui repris par Lee Ranaldo et les versions blues de Billy « ZZ Top » Gibbons et de Trixie Whitley-, 8 titres sur 10 se castent sur les années 1975-1982, avec 6 des 17 morceaux extraits de Tusk, double album du Mac daté de 1979, où il expérimente et inclut des bribes new wave dans sa pop FM. Les pièces issues de Tusk prennent de drôles d’allure chez les Australiens de Tame Impala ou les New-Yorkais de Crystal Ark: entre électro et onirisme. Pour se distinguer, la sensation MGMT a puisé son morceau dans la période Mac entre blues et Californie, soit Future Games, daté de 1971. Ils immergent sa tonalité rêveuse dans un pâté krautrock bidouillé de psychédélisme: là, comme dans les adaptations moins imaginatives, la mission s’avère réussie parce qu’elle renvoie immanquablement à la (re)découverte des originaux. Ce qui reste la fonction première et indétrônable du Tribute…

A TRIBUTE TO FLEETWOOD MAC-JUST TELL ME THAT YOU WANT ME DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL. ***

TEXTE PHILIPPE CORNET

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