Critique | Musique

Miles Davis Quintet – Live in Europe 1969

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Philippe Elhem
Philippe Elhem Journaliste jazz

Le Lost Quintet de Miles Davis, jamais enregistré en studio, voit son existence officialisée par un coffret réunissant quatre de ses meilleurs concerts…

MILES DAVIS QUINTET, LIVE IN EUROPE 1969/ THE BOOTLEG SERIES VOL. 2, COLUMBIA LEGACY 8532 (SONY MUSIC). ****

Comportant trois CD et un DVD, ce coffret réunit des enregistrements de Miles Davis connus sous forme de publications « pirates ». C’est le deuxième que la série « Bootleg » consacre au trompettiste, après un premier volume regroupant une poignée de concerts datant de 1967 du « Second Great Quintet » de Miles (Wayne Shorter, Herbie Hancock, Ron Carter, Tony Williams) captés en Europe. Celui-ci, construit sur le même modèle, nous entraîne à nouveau sur le vieux continent. Mais en 1969 et avec un groupe refondu composé, outre de Miles et de Shorter, du pianiste Chick Corea, du contrebassiste Dave Holland (une trouvaille anglaise du trompettiste) et du batteur Jack De Johnette. Le combo, qui n’avait jusqu’à aujourd’hui aucune existence discographique officielle, d’où l’appellation de Lost Quintet dont il a hérité, y est capté live (le son de chaque performance a été amélioré dans la mesure du possible) pendant le printemps et l’été 1969. Le premier disque se consacre à la soirée du 25 juillet à Antibes/Juan-Les-Pins, le deuxième à celle du 26, le troisième au premier set (augmenté d’un titre du second) joué au Folket Hus de Stockholm, le 11 mai. Enfin, le DVD en couleurs qui complète l’ensemble et est d’une qualité visuelle et sonore exceptionnelle (seul Holland y est peu audible) a été filmé à la Philharmonie de Berlin pendant les Berliner Jazztage, le 7 septembre.

Enregistré entre septembre 1968 et février 1969, In A Silent Way, premier disque de la révolution davisienne qui enfantera du jazz-rock, sort le 30 juillet 1969 aux Etats-Unis. Le Lost Quintet en porte les traces à travers son instrumentation (Corea joue du piano électrique, à l’exception de Stockholm où le Fender Rhodes tombe en panne dès les premières secondes du concert) alors que la façon dont les morceaux sont enchaînés sans interruption est devenue désormais la norme d’une performance live de Miles. Si le répertoire reste mixte, mêlant encore des inédits tels que Directions ou Sanctuary à des survivants des fifties comme Milestones et Round Midnight, la transition en train de s’opérer affecte néanmoins tous les titres interprétés. Le flirt poussé avec le free de 1967 s’éloigne peu à peu: certes, Jack De Johnette (révélé par le quartette de Charles Lloyd) s’inscrit dans la lignée de Tony Williams, mais Wayne Shorter utilise, à côté du ténor, un soprano (ici encore sous l’influence de Trane) qui deviendra son sax de prédilection alors que le trompettiste (et son instrument de cuivre rouge et noir gravé à son nom) prend à nouveau de longs solos débarrassés de ses diverses sourdines. En fait, Miles est dans une phase de réappropriation de sa musique, progressive mais aussi radicale que la transformation de son apparence (et celle de ses musiciens) sur scène. Fini les smokings pour tous, Miles Davis, le dandy, porte désormais du cuir, des gilets à franges, des chemises cintrées, des foulards en soie et écoute James Brown. Il est vrai que derrière le musicien se cache Betty Mabry (un morceau, Mademoiselle Mabry, lui rend hommage dans In A Silent Way), une chanteuse r&b devenue sa nouvelle compagne et qui a décidé de le relooker de fond en comble après l’avoir introduit dans les milieux hip, soul et rock, où Miles se liera avec Jimi Hendrix et Sly Stewart (Sly And The Family Stone) dont les musiques respectives auront un impact évident sur l’évolution future du Dark Magus.

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