Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

LE MONDE EN FRICHES – Deux jeunes photographes français baladent leur objectif à travers les reliques du passé industriel et consumériste. Un régal pour l’oil.

Galerie Cedille (Naço Gallery), 38, rue de Cîteaux, à 75012 Paris. Jusqu’au 16/03.

Au départ du travail d’Yves Marchand et de Romain Meffre, il y a  » un fantasme de gamin, celui qui pousse à visiter des lieux à l’abandon« . A l’arrivée, on découvre une démarche d’archéologie urbaine aboutie qui n’est pas sans rappeler le travail du couple Bernd et Hilla Becher. La puissance des images – prises avec une chambre 4 x 5 – donne un rendu saisissant. Celui-ci confère une dimension esthétique inédite à des édifices sur lesquels les regards ne s’arrêtent plus.

Agés respectivement de 27 et de 21 ans, Yves Marchand et Romain Meffre se sont rencontrés il y a 5 ans sur Internet. Si le premier se concentrait davantage sur les souterrains et les industries anciennes, le second avait l’£il rivé sur les zones urbaines désertées. Il ne leur a pas fallu longtemps pour se découvrir des complémentarités et comprendre qu’ils avaient tout à gagner de travailler ensemble.  » Nous avons d’abord exploré les environs, explique Yves Marchand. La démarche était naturelle pour nous de squatter les friches les plus accessibles, de l’usine Renault sur l’île Seguin à la Centrale thermique de Gennevilliers. Ensuite, après avoir quadrillé la région parisienne, il nous a fallu élargir nos horizons. Nos reportages se sont étendus vers l’est, le nord de la France et la Belgique. Malheureusement, les friches industrielles sont sujettes aux démolitions ou, dans le pire des cas, aux réhabilitations. Il nous a fallu voir plus loin. »

DETROIT: LA RéVéLATION

Les deux photographes se mettent alors à chercher des sujets possibles à travers le monde. C’est aux Etats-Unis qu’ils trouvent la matière première qui va donner un coup d’accélérateur à leur travail: Detroit.  » Pour nous, cela a été une révélation. Cette ville, la quatrième des Etats-Unis, a connu un coup d’arrêt de 40 ans. C’était au-delà de nos espérances: un réseau urbain de 20 kilomètres carrés en train de s’effondrer. Le tiers-monde au c£ur du pays le plus puissant de la planète. » Depuis, avec trois voyages et un quatrième prévu sous peu, Detroit agit comme un véritable aimant sur leur travail qui, entretemps, a également rebondi vers l’Allemagne de l’Est. Tout cela les conforte dans l’idée que la ruine contemporaine représente un enjeu. Pas seulement esthétique. Mais aussi en lien avec la valorisation d’un patrimoine en train de disparaître, doublé d’un questionnement sur notre rapport au temps. Sans militantisme, Marchand et Meffre tirent la sonnette d’alarme quant à la nécessité de ne pas gommer des pans entiers de notre histoire. Et d’entrer en résistance contre l’aseptisation des villes.

u www.reliques.online.fr u www.nacogallery.com

MICHEL VERLINDEN

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