Les séries télé ressassent toujours les mêmes thèmes. Focus vous les dévoile tout au long de l’été. Septième et ultime étape, placée sous le signe de la rentrée: le travail. Pas une sinécure…

D’aucuns tiendront toujours la fiction comme un formidable et puissant vecteur de rêve et d’émerveillement, à même, en toutes occasions, de les extraire de la réalité souvent peu exaltante de leur quotidien pour leur faire entrevoir de nouveaux mondes. D’autres, pourtant, n’auront de cesse de revenir à des £uvres résolument réalistes et faisant feu du plus petit bois de l’existence. La dimension cathartique fonctionnant en plein, elles permettent en effet de s’enticher, de rire ou de s’émouvoir des faits les plus ordinaires d’une vie somme toute banale. Passés à la loupe grossissante de la fiction, les détails les plus prosaïques de celle-ci en acquièrent en effet une sorte de légitimité, à défaut de faire toujours sens.

En télévision, c’est, par exemple, toute une vague de séries s’inscrivant dans le sillage d’une certaine mouvance réaliste du cinéma et ancrant leur propos sur le lieu de travail de personnages tout ce qu’il y a de plus lambda. Véritable référence et mètre-étalon du genre: la formidable série anglaise de Ricky Gervais, The Office, conjuguant, avec une verve rare, humour ravageur et profond misérabilisme. Prenant pour cadre quasi unique le bureau d’une usine spécialisée dans la fabrication de papier et implantée à Slough, petite ville du Berkshire tristement célèbre pour ses allures de désert gris et bétonné, la série emprunte la forme très neutre du faux documentaire et s’attache à rendre compte des journées types d’employés de bureau souvent las, amorphes voire abrutis par un travail des plus répétitifs et, donc, des moins stimulants. Journées rythmées par quelques pics d’agitation s’exprimant à travers une série d’interrogations du style  » Mais où est donc passée ma gomme?« ,  » Qui a pris l’agrafeuse? » ou encore le classique et inoxydable  » Vous n’auriez pas un trombone?« . Rien de très excitant à priori donc et pourtant, The Office reste bien, par son sens aigu de l’observation et cette façon incomparable de croquer la nature humaine jusque dans ses plus infimes bassesses, sa plus profonde trivialité, une référence absolue en matière d’humour qui fait mouche à la télévision. Pour preuve, les 4 déclinaisons auxquelles elle a donné naissance dans la foulée de son succès briton: aux Etats-Unis ( The Office US), en France ( Le Bureau), au Brésil ( Os Aspones) et au Canada ( La Job).

Une figure essentielle, surtout, se détache ici: celle du patron honni de tous. Ricky Gervais incarnant un boss essentiellement préoccupé par le fait d’apparaître drôle et populaire auprès de ses employés mais sans cesse rattrapé par son absolue veulerie, son racisme et son machisme primaires, sa bêtise pure et simple.

Upside Down

Ces dernières années, les séries TV en sont pleines de ces patrons que l’on adore détester: figure tyrannique et manipulatrice (Glenn Close dans Damages), ambitieuse et sans scrupules (Alec Baldwin dans 30Rock), arriviste et corrompue (Benito Martinez dans The Shield), voire perverse et mafieuse (Ian McShane dans Deadwood).

Dernier exemple en date qui, à l’instar de The Office, marie cadre de travail et patron fondamentalement méprisable: Party Down, nouvelle série comique créée par Rob Thomas ( Veronica Mars, 90210). Où l’on suit une équipe de bras cassés spécialisés dans le catering mais rêvant tous de lendemains meilleurs. A leur tête, Ron Donald, loser patenté convaincu d’être dans le bon et concerné à cent pour cent par ce qu’il fait. Décochant à tout va aphorismes et lapalissades rivalisant de ridicule, il ne récoltera bientôt qu’indifférence et dédain aussi bien auprès de son team de serveurs que des hôtes qu’il est appelé à servir au cours de fêtes qui ne manqueront jamais de tourner en totale bérézina. Menée tambour battant, s’appuyant sur une écriture au cordeau et un humour proprement désopilant, Party Down est une nouvelle et belle réussite. Appelée à durer, semble-t-il, puisque la série vient d’être assurée d’une seconde saison aux Etats-Unis. Tant mieux. Le travail, c’est la santé, le rire aussi: Party Down réconcilie les deux.

Nicolas Clément

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