Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

VINGT-TROIS ANS (!) APRÈS TROMPE-LE-MONDE, LES PIXIES SORTENT UN NOUVEL ALBUM. LE NAUFRAGE EST ÉVITÉ. LE MIRACLE AUSSI… WHERE IS THEIR MIND?

Pixies

« Indie Cindy »

DISTRIBUÉ PAR PIAS.

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S’il y a bien une chose dont on ne peut accuser Black Francis, c’est de mentir sur la marchandise. Quand le chanteur/guitariste des Pixies a relancé le groupe en 2004, personne n’a vraiment essayé de faire semblant. Treize ans après la sortie de leur dernier disque, les Pixies reprenaient la route pour réalimenter leur compte en banque. Le timing était visiblement parfait: à peine annoncés, les premiers concerts furent quasi instantanément sold out. Depuis, le groupe n’a plus arrêté. Ironie du sort, ils jouent aujourd’hui dans des salles dont ils n’auraient jamais osé rêver dans les années 80-90, quand ils enchaînaient pourtant les fulgurances discographiques.

Evidemment, les Pixies ne pouvaient pas tirer éternellement sur la même corde. A force de tourner sans nouveau matériel, le groupe risquait de devenir son propre cover band. Cela aussi, Black Francis l’avoue facilement: c’est la principale raison qui les a poussés à enregistrer Indie Cindy, le premier album des Pixies depuis Trompe-le-Monde, sorti en… 1991.

Would you excuse me, please?

C’est donc reparti comme en 89. Sans Kim Deal, qui a pris la poudre d’escampette l’an dernier. Mais avec Black Francis, Joey Santiago et David Lovering. Même Gil Norton (producteur du groupe depuis l’album Doolittle) a rappliqué, tandis que Vaughan Oliver s’occupe à nouveau de l’artwork. Indie Cindy n’est pas complètement une surprise. Les deux tiers de l’album sont déjà sortis sous la forme de deux EP’s (le premier en septembre, le second en janvier). Une manière de maintenir l’attention, explique Black Francis. Voire -et c’est peut-être encore plus malin/cynique- de préparer les fans à la désillusion…

Les Pixies ont toujours été un drôle de groupe, sans charisme, ni look. Des vraies têtes de noeud capables de se séparer par simple envoi de fax. Le genre de formation à laquelle il est impossible de s’identifier, s’il n’y avait la musique, rien que la musique. Soit en tout et pour tout même pas trois heures de furie sonore, de morceaux pop bruitistes bizarres et régulièrement malsains. Enlevez ça et il reste… Indie Cindy. Soit, soyons de bon compte, un album de rock pas foncièrement mauvais. Mais un disque des Pixies émasculé. Tout est là, sauf l’essentiel: l’étrangeté. Dans Greens and Blues, Black Francis chante: « If I ever seem a little strange, would you excuse me please? » C’est bien ça le souci. Le dérapage, la sortie de route, on n’attendait que ça! Certes, What Goes Boom ouvre plutôt bien les débats, Santiago est toujours susceptible de moments de bravoure (Snakes), et les breaks d’Indie Cindy peuvent faire illusion. Par contre, quand Black Francis couine sur Blue Eyed Hexe, c’est sans appel: on est plus proche d’AC/DC que de Bone Machine.

Le décalage est évidemment aujourd’hui plus difficile à réaliser. Parce que les Pixies n’ont plus 20 ans -et on aurait tort de leur demander de faire semblant. Parce qu’aussi, tout ce que le groupe a pu amener a été intégré, copié et digéré. Comment défoncer des portes aujourd’hui grandes ouvertes? Le rock est devenu un répertoire. Il ne faut pas en vouloir aux Pixies. Les déçus n’auront au contraire qu’à s’en prendre à eux-mêmes et à leurs attentes qui n’ont plus vraiment lieu d’être. Foutue époque…

EN CONCERT LE 06/07, À ROCK WERCHTER.

LAURENT HOEBRECHTS

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