Après s’être fait un nom sur scène, les Bruxellois sortent enfin leur premier album, Gürü Voodoo. L’heure des Vismets?

Janvier dernier. Une fin d’après-midi douchée par des trombes d’eau, du côté de Koekelberg. Calfeutrés à l’intérieur des studios Elastic (ancien Rising Sun), les Vismets mettent la dernière main à leur album. Il y a Anthony Klein (basse), son frère Dan (chant-clavier), Remy Lebbos (guitare), bientôt rejoints par Nicolas Collaer (batterie). Pour décor, des instruments dispersés un peu partout, des branchements en pagaille, des canettes de bière qui traînent… Le fatras habituel de ce genre de sessions intensives. Du travail réalisé jusque-là par le groupe bruxellois, un titre s’est déjà échappé: Wasted Party se trouve en bonne place dans la playlist d’une radio comme Pure FM. Pour l’heure, c’est donc l’occasion de prendre la température et de jeter une oreille au reste du matériel accumulé. Il y a par exemple Normal Life: une longue intro, des synthés à la Jean-Michel Jarre, puis le morceau qui s’emballe sur des claviers aérobic. « C’est Pink Floyd qui rencontre Joe Jackson », ose Dan Klein. Drôle. Et pas tout à fait faux. Plus loin, le surspeedé Vulture of Tronica cherche la baston (et la trouve). Le leader du groupe tient encore à faire écouter la version non mixée de She’s A Psycho, She’s A Hippie: « Comme si Jésus traversait le désert au volant d’un chopper, lunettes noires et cheveux dans le vent ». Mais encore…

Nuits parisiennes

Quatre mois plus tard. On retrouve Dan Klein, seul cette fois, à la cafétéria du Botanique. Le disque, intitulé Gürü Voodoo, est là, prêt à atterrir dans les bacs des disquaires. Enfin. C’est que, avant même d’avoir sorti le moindre morceau, le groupe a déjà fait pas mal parler de lui. Via des concerts à l’arraché, et une attitude offensive, voire crâneuse… Bois dont est taillé, en partie, Gürü Voodoo, album touffu de rock synthétique dont on cherche encore toutes les clés. Ce qui est plutôt un compliment. Dan sourit: « Le but était vraiment de faire un disque qui soit représentatif de toutes les musiques qu’on a pu écouter. «  Et il y a de quoi faire. Des Beatles à Blur en passant par le groupe cosmico-prog français Magma ( « J’ai dû les voir près d’une dizaine de fois en concert, le titre même de notre disque est un clin d’£il à leur album de 1977, Üdü?üdü »), voire l’avant-rock des Belges d’Aksak Maboul, ramené sur la platine du salon familial.

Au départ, explique le leader des Vismets, « on est des enfants des années 90: le grunge, Stone Temple Pilots, tout ça… c’est notre terreau. «  Mais à 13 ans, Dan voit la lumière: « Sur les bancs de l’école, je me suis retrouvé à côté d’un mec, long cheveu et lisse à la Gilmour des débuts. Il venait de Pologne, était fan de Pink Floyd. Il m’a filé The Piper at the Gates of Dawn. J’ai complètement flashé. » Le rock version Klein sera donc mélodique certes, mais toujours prêt à sortir de la route.

Avant cela, il y a d’abord les études. Dont une tentative en communication, à l’ULB. « Je n’ai pas terminé l’année.  » En fait, Dan se retrouve un mois et demi immobilisé avec un plâtre. De quoi laisser le temps de réfléchir. Et se donner le courage de se lancer dans les envies artistiques qui le taraudent. En 2000, il largue les amarres, part pour Paris et s’inscrit au cours Florent, la fameuse école d’art dramatique. Il termine la formation de 4 ans, mais la musique le rattrape. « Le soir, je continuais à bidouiller des trucs. Cela a commencé à prendre de plus en plus de place. Et puis, chaque fin d’année, il y a une remise des prix, les « Jacques ». Je n’en ai jamais récolté aucun pour mes prestations d’acteur. Par contre, j’en ai reçu 2 pour les bandes sonores que je créais pour les spectacles qu’on montait entre élèves. « 

Burning man

En revenant de Paris, Dan est donc bien décidé à forcer les choses. Il continue à travailler ses morceaux, et rejoint le groupe de son frère, Talkshop. Les Vismets sont montés dans la foulée. C’est le projet de Dan, mais Anthony n’est à nouveau pas loin: « Pour le coup, on est complémentaires. Il a la technique, j’ai l’univers. Je suis un peu l’architecte et lui l’entrepreneur. «  Le groupe n’existe d’abord que sur la base de quelques démos brouillonnes, balancées par Dan sur MySpace. « On sortait beaucoup à ce moment-là. A chaque fois, on chauffait tout le monde avec le projet. Sauf qu’on n’avait rien. Sinon des couilles…  » ( rires). Et ça marche. Les Vismets, entité encore floue, se voient proposer une première partie (celle de Montevideo, au Botanique). Ils ont un mois et demi pour être prêts. « Les Vismets se sont vraiment construits par la scène. Au fur et à mesure que les concerts se multipliaient, on a dû rallonger le set et trouver de nouvelles chansons. « 

De la même manière, c’est sans se poser trop de questions que le groupe se retrouve au studio Caraïbes il y a un peu plus d’un an. « On est arrivés comme ça, sans préproductions ni rien, avec juste l’idée de mettre sur bande le set des concerts. «  Mais le résultat final, trop monochrome, ne lui convient pas. Du coup, il garde Wasted Party mais jette tout le reste. Un caprice d’enfants gâtés? « On allait le regretter. Il manquait toute une partie de notre univers. D’où aujourd’hui un album qui part dans plusieurs directions.  »

Un an plus tard, Gürü Voodoo est en effet un disque éclaté, souvent éclatant dans son côté décomplexé, capable de citer AC/DC ( Wasted Party) comme de pondre Noiret, petit interlude à chevaux de bois. Les multiples influences rentrent en collision les unes après les autres, y compris celle de la bande à John Stargasm (Les « Ghinzu 2.0 », se demandait récemment le webzine Goûte mes disques). Cela tient à des faits objectifs: comme la position des 2 frontmen, tous 2 derrière leur clavier. Ou encore les connections familiales qui lient les frères Klein et John, et que Dan recadre dès qu’il en a l’occasion: « On n’a jamais eu de pistons. Et puis ce serait vraiment stupide de croire que John décide tout tout seul dans un groupe comme Ghinzu. »

Le principal point commun entre les 2 groupes se situe en fait plutôt dans l’attitude. Une posture bravache qui a encore parfois du mal à passer chez certains. « En Belgique, en particulier du côté francophone, il faut rester modeste. Dans ses prestations sur scène, dans ses productions… Nous, on n’a pas forcément envie de ça. On est très ambitieux. Il faut connaître ses limites. Mais au départ, on veut placer la barre très haut. «  Les Vismets cultivent donc volontiers cette image de sales gosses, grandes gueules rock’n’roll. Quitte à évacuer rapidement les sujets plus intimes ( Sometimes ou encore 1944 Enter The Voodoo nourri de l’histoire familiale des frères Klein).

Aujourd’hui, le groupe vise grand. Pour cela, il a notamment créé son propre label Dözer. Signé en France sur Roy (sous-label d’EMI), il compte bien aussi y creuser sa chance dès l’automne, tout en lançant l’une ou l’autre perche vers l’Angleterre. Et puis il y a cette dernière marotte: trouver un plan pour jouer cet été au festival Burning Man, en plein désert du Nevada. « Même si au final, se marre Dan Klein , c’est pour terminer à la Costa del Sol! ». En attendant…

Vismets, Gürü Voodoo, Dözer/Pias.

En concert e.a. les 19/06 à la Fête de la musique, 17/07 à Dour, 24/07 aux Francos, 13/08 au Brussels Summer, le 29/10 à l’AB…

Retrouvez sur www.focusvif.be le reportage réalisé par Moodio.tv dans les coulisses de l’enregistrement de Gürü Voodoo!

Texte Laurent Hoebrechts

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