LA CINEMATEK PROPOSE 24 SÉANCES GOURMANDES. L’OCCASION DE FAIRE REVENIR LES MEILLEURS FESTINS DANS LA POÊLE DU CINÉMA.

On disait naguère des cinéphiles les plus motivés qu’ils aimaient « bouffer de la pellicule ». Cette dernière étant en voie de disparition, ils n’auront bientôt plus que le digital à se mettre sous la dent, au risque de se faire mal car un disque dur, c’est dur… Mais sur les écrans, les personnages du cinéma mondial continueront à bouffer, dévorer, manger, déguster les nourritures que scénaristes et réalisateurs auront mis à leur menu. Le 7e art, s’il s’emploie logiquement et prioritairement à satisfaire nos pupilles, n’a jamais négligé pour autant nos papilles. Vite avalés ou savourés subtilement, les repas et la nourriture y ont tenu leur rôle depuis les origines, et avec une grande variété de justifications. La toute première étant la convivialité, avec ses tablées nombreuses et festives, des films de Claude Sautet aux Petits mouchoirs, des banquets d’Astérix à ceux servis par Fellini en version patricienne (les formidables et délirants plats du Satyricon) ou populaire (les agapes dans la rue de Roma). La nourriture vécue comme fête et partage, jusqu’à ce Festin de Babette danois de 1987 où Stéphane Audran prépare un repas aussi long qu’appétissant. La comédienne française ayant été par ailleurs l’égérie et la compagne du plus gourmand des réalisateurs: Claude Chabrol. Lequel ne se contentait pas d’inclure de mémorables scènes de repas dans ses films, ni même de donner le nom d’un plat pour titre à un de ses films ( Poulet au vinaigre), puisqu’il allait jusqu’à choisir certains lieux de tournage en fonction de la proximité de restaurants gastronomiques…

De l’art ou du cochon?

Les bourgeois mis en scène par Luis Bunuel dans LeCharme discret de la bourgeoisie espèrent bien eux aussi festoyer, mais toutes leurs tentatives de se mettre à table échouent inexplicablement. Comme pour leur faire ressentir la frustration, le manque, de ces miséreux qui n’ont à se partager que des pommes de terre ( Misère au Borinage de Storck) ou même… une chaussure ( The Gold Rush de Chaplin)? Le repas de mariage jamais consommé, pour cause de massacre, d’ Il était une fois dans l’Ouest (Sergio Leone – 1969) portant lui aussi le deuil de réjouissances à jamais interdites… Quant aux films futuristes, à la science-fiction, ils obligent volontiers les humains à se contenter d’une nourriture artificielle, de substitution, comme dans Soylent Green, quand ils ne font pas carrément des gens… le repas de monstres en tout genre. L’anthropophagie étant, par ailleurs, fréquente dans le cinéma fantastique et d’horreur, à commencer par les films de zombies dont George A. Romero ( La Nuit des morts-vivants) lança la mode encore bien vivace aujourd’hui.

A rebours de ce cannibalisme mortifère, certains films ont célébré la nourriture en l’associant à l’amour, comme Les Epices de la passion ou cette Cuisine au beurre où Bourvil et Fernandel rivalisent aux fourneaux pour les beaux yeux d’une femme. Les cinéastes japonais affectionnant particulièrement la liaison du manger et du sexe, tel Juzo Itami dans son épatant Tampopo et Nagisa Oshima dont le célèbre et subversif Empire des sens voyait l’héroïne nourrir son amant de mets d’abord introduits dans son intimité… Mais c’est La Grande bouffe de Marco Ferreri, film scandale de 1973, qui poussa le plus loin le double lien entre nourriture et Eros, nourriture et Thanatos. Des amis y décident de se suicider « en beauté » par un excès de bonne chère et de bons vins auquel se verront associées quelques prostituées…

Violente est aussi la vision d’un Peter Greenaway filmant, dans The Cook, The Thief, His Wife And Her Lover, les dérives d’une expérience gastronomique tournant au règlement de compte matrimonial et social. Loin des rires suscités par Louis De Funès dans Le Grand restaurant et dans L’Aile ou la cuisse, comme de ceux -irrésistibles- appelés par le serveur de plus en plus saoul de The Party. Des rires qui tournent au (superbe) cauchemar quand le boucher du génial Delicatessen de Jeunet et Caro cherche de nouvelles « provisions » pour son commerce de viande humaine… l

TEXTE LOUIS DANVERS

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