Avec Chéri, Stephen Frears retrouve Christopher Hampton, scénariste inspiré de Dangerous Liaisons et Mary Reilly.

Texte, Jean-François Pluigers, à Berlin

Texte, Jean-François Pluijgers, à BerlinEntre Stephen Frears (photo) et Christopher Hampton, il y a, en plus d’une collaboration artistique féconde, dont Chéri est le nouveau fruit savoureux, une complémentarité évidente, à l’£uvre lorsqu’on les rencontre conjointement au Festival de Berlin. Au laconisme de l’un répond ainsi le caractère volontiers expansif de l’autre, le scénariste étant toujours prompt à rebondir sur un ballon botté en touche par le cinéaste – un exercice dans lequel Frears excelle, cela dit en passant.

Du reste Hampton ne laisse-t-il à personne d’autre le soin de reprendre l’histoire par le menu – celui d’une passion déjà ancienne pour Colette. « Elle est un peu passée de mode à l’heure actuelle, mais elle est, à mes yeux, l’un des auteurs majeurs du XXe siècle, et Chéri , son meilleur roman, est un chef-d’£uvre. Il y avait déjà un certain temps que je travaillais à un projet à son propos, lorsque Bill Ken-wright, le producteur, m’a signalé qu’il avait pris une option sur le roman, et m’a demandé si je souhaitais l’adapter… «  Hampton se lance dans l’aventure avec enthousiasme, sans être pour autant à l’abri d’une surprise: « je m’attendais à quelque chose d’assez facile, mais pas du tout. Chéri ressemble à un poème, et se révèle par conséquent très difficile à dramatiser. Il n’y a guère de dialogues, le texte offre plutôt l’image impressionniste d’une époque et d’un groupe de gens. Rien à voir avec Les liaisons dangereuses , où l’intrigue évolue, et où l’on trouve une puissance narrative. Ici, il s’agit de personnages, et de ces choses impalpables qui font qu’ils restent ensemble, ou sont attirés l’un vers l’autre. »

Comme un écho au présent

Contexte diffus, certes, mais admirablement traduit à l’écran –  » tout le mérite en revient à Christopher« , s’empresse de préciser Stephen Frears. A quoi l’on ajoutera, et c’est ce qui contribue aussi à la dimension contemporaine de l’£uvre, le portrait d’un monde sur le point de s’effondrer –  » c’est le point commun avec Liaisons, qui parlait également d’une société qui avançait vers le bord du précipice sans s’en apercevoir« , relève Hampton. Constat qui a le don d’animer Stephen Frears:  » Beaucoup de gens fortunés sont désormais sur le point de se jeter au bas de la falaise. C’est curieux« , observe-t-il, grinçant.  » La Grande-Bretagne, qui affichait sa bonne santé il y a six mois, est désormais un pays au bord de la banqueroute. C’est terrible, naturellement. Tony Blair fut un Premier ministre épouvantable. On devrait l’accuser de nombreux crimes, l’un d’entre eux étant d’avoir encouragé ce qui se passe aujourd’hui. » – allusion au sentiment d’impunité et de toute puissance dont purent bénéficier les milieux financiers, sous gouvernance travailliste encore bien, ce que ne manque pas de fustiger le réalisateur.  » Mais mes valeurs sont sans doute celles d’une autre époque. »

Est-ce à dire que, Chéri, drame en costumes d’un autre siècle, vient aujourd’hui à son heure? « On ne raisonne pas vraiment en ces termes, souligne Hampton. Quand on se lance dans un film, il convient de choisir un sujet qui apparaisse suffisamment éternel pour pouvoir parler aux gens, sans considération pour la période durant laquelle il se déroule… » Ce en quoi Stephen Frears est passé maître… l

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