Vertige de l’amour – James Gray signe un drame amoureux sensible, une épure toute en retenue brassant trouble et émotion, avec un formidable Joaquin Phoenix.

De James Gray, avec Joaquin Phoenix, Gwyneth Paltrow, Vinessa Shaw. 1 h 50. Sortie 24/12.Cinéaste rare, James Gray n’a tourné qu’une poignée de films en une quinzaine d’années. Mais quels films: Little Odessa, The Yards et We Own the Night, ces titres que l’on pourrait assimiler à sa trilogie criminelle épousent plus encore les contours de tragédies familiales, trouvant des résonances mythiques en même temps qu’elles s’offrent en partage. Son cinéma opère en profondeur, renvoyant à la condition même de l’homme; postulat que vient confirmer aujourd’hui Two Lovers, film qui nous arrive, merveilleuse surprise, un an à peine après son prédécesseur.

S’il s’inscrit dans la continuité de l’£uvre, ne serait-ce que par la place qu’y prend la famille, au c£ur du dilemme se posant à son protagoniste central, mais encore par celle qu’y occupe la douleur, Two Lovers s’en écarte aussi sensiblement. James Gray s’affranchit en effet ici des éléments de genre sur lesquels s’appuyaient ses premiers films (matrices de film noir qu’il maîtrisait du reste à la perfection), pour tendre à l’épure – celle d’une histoire d’amour, terrain d’exploration privilégié, il est vrai, des tourments de l’âme humaine.

Au c£ur de l’£uvre, un homme, Leonard (Joaquin Phoenix, impeccable). Chargé de la souffrance rentrée de l’échec d’une précédente relation, celui-ci flotte, un peu malgré lui, à la surface d’une existence terne, entre son emploi dans l’entreprise familiale de blanchisserie et un intérêt pour la photographie en noir et blanc, sans personne dessus idéalement.

Moment où deux femmes entrent dans sa vie: la douce Sandra (la trop rare Vinessa Shaw), vers qui le poussent ses parents, et l’insaisissable Michelle (Gwyneth Paltrow, lumineuse), une nouvelle voisine qui a le don de l’éblouir. Au-delà du dilemme amoureux, c’est à celui de son existence que se trouve dès lors confronté Leonard, tiraillé entre l’une et l’autre. Et, partant, entre un destin inscrit dans la stricte orthodoxie familiale, et un autre où il s’émancipera de son environnement – pour autant, bien entendu, qu’il maîtrise tous les éléments.

Irriguer les sens

Simple en apparence, cette articulation d’ensemble offre à James Gray la matière à un drame feutré mais incandescent, délicat mais tendu – à fleur des émotions contradictoires qui assaillent son personnage central, auquel Joaquin Phoenix donne une formidable densité. îuvre d’un ci-néaste arrivé à maturité, s’inscrivant au confluent de la modernité et d’un classicisme revendiqué, Two Lovers est un drame intimiste brûlant, cousin, en ce sens, des précédents films de l’auteur.

C’est aussi un modèle d’équilibre et de retenue; du cinéma tel qu’on n’en voit plus guère, sans doute, mais dont on ne se lasse pas, tant il n’en finit pas d’irriguer les sens et au-delà. Dispensant, par l’entremise d’une mise en scène d’une suprême mais discrète élégance, et d’une direction d’acteurs en forme de modèle d’économie raffinée, une troublante et poignante intensité, voilà un film d’une déchirante beauté. Vertigineux.

www.twolovers-lefilm.com

J.F. PL.

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