Tokyo Stories – Michel Gondry, Leos Carax, Bong Joon-Ho: trois cinéastes majeurs livrent leur vision de la capitale japonaise dans un foisonnant film à sketches.

De Michel Gondry, Leos Carax et Bong Joon-Ho. 1 h 47. Dist: Twin Pics.

Entreprise délicate, le film à sketches s’est déjà offert l’une ou l’autre stimulante incursion urbaine, qu’il s’agisse de New York Stories ou, plus récemment, de Paris, je t’aime. Présenté dans la sélection Un Certain Regard du festival de Cannes en 2008, et resté curieusement inédit sur nos écrans, eu égard à la notoriété de ses auteurs, Tokyo! ne déroge pas à la règle, s’érigeant en terrain d’aventures cinématographiques rien moins que captivantes. Entre Michel Gondry, Leos Carax et Bong Joon-Ho, les visions sont forcément différentes. Elles convergent néanmoins tant, à travers leurs regards, c’est un peu de l’aliénation humaine qui prend forme, chaque segment du film s’attachant tout particulièrement à des êtres en retraite du monde, volontaire ou non.

Adapté par Michel Gondry de la bande dessinée Cecil & Jordan in New York de Gabrielle Bell, Interior Design accompagne un jeune couple fraîchement débarqué à Tokyo, et confronté à son incapacité à y trouver sa place. Un processus qui débouchera, chez la jeune femme, sur un sentiment oppressant de solitude auquel elle apportera le plus surprenant des remèdes. Entre spleen urbain et bricolage ingénieux, le film porte la griffe inspirée de son réalisateur, en même temps qu’il traduit un plaisir de cinéma comparable à celui à l’£uvre dans son Be Kind Rewind. Une authentique réussite, donc.

A l’inverse de cette jeune femme brûlant de s’inscrire utilement dans son environnement, le héros de Shaking Tokyo de Bong Joon-Ho a embrassé le destin d’un hikikomori, individu choisissant de vivre à l’abri du monde. Résolution mise à mal, toutefois, lorsque son regard croise celui d’une accorte livreuse de pizzas, collision sensorielle ayant le don d’entrouvrir des perspectives insoupçonnées… Le réalisateur de The Host décline ici la solitude en des temps multiples, non sans livrer une vision urbaine dont le classicisme est joliment mis à l’épreuve d’une anticipation onirico-affolante.

Le retour de Godzilla

Faisant le lien entre ces deux segments, Merde, que signe Leos Carax, s’inscrit, pour sa part, dans la tradition lointaine du film de créature – un genre auquel Tokyo offrit maintes fois son cadre pour la série des Godzilla. La créature en question s’appelle donc Merde, et a les traits, déformés, de Denis Lavant, lequel, surgissant des égouts, s’amuse à semer la panique sur son passage. Réjouissant un temps, le film de Carax s’abîme ensuite dans un volet juridique aux accents christiques moins déjanté que puéril. L’entreprise en apparaît un peu vaine, certes, mais néanmoins sympathique, à défaut de la fulgurance que recela un temps le cinéma de l’auteur de Mauvais sang.

Complément précieux, chaque chapitre est accompagné de son making of et d’une interview du réalisateur. Soit trois plongées passionnantes au c£ur même de leur démarche créative respective, la découverte de ces trois tempéraments achevant de faire de ce DVD un must.

Jean-François Pluijgers

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