To Andy, with Love

En 1989, John Cale et Lou Reed enregistraient un album hommage à Andy Warhol. Ed Lachman en a tiré un document intimiste inspiré.

Songs for Drella

Si son nom n’est guère familier du grand public, Ed Lachman s’est imposé, depuis une quarantaine d’années, comme l’un des plus grands directeurs de la photographie de sa génération, travaillant notamment avec Werner Herzog, Susan Seidelman, Wim Wenders, David Byrne, Steven Soderbergh, Ulrich Seidl ou Sofia Coppola, non sans entamer, à compter de Far from Heaven en 2002, une collaboration au long cours avec Todd Haynes. C’est d’ailleurs à la faveur de ses recherches pour The Velvet Underground, le documentaire que consacrait l’an dernier le réalisateur de Carol au groupe new-yorkais, que Lachman a retrouvé le négatif, longtemps présumé disparu, de Songs for Drella, le concert filmé qu’il tournait en 1990 -l’un des points d’orgue d’un parcours parallèle de réalisateur qui l’a vu également cosigner Ken Park avec Larry Clark, en plus de diverses vidéos musicales. Un document d’exception que l’on peut découvrir aujourd’hui en version restaurée sur la plateforme Mubi.

Songs for Drella est un projet éminemment singulier, puisqu’il réunissait John Cale et Lou Reed pour la première fois depuis l’époque du Velvet et une séparation acrimonieuse, le temps d’un hommage à Andy Warhol, disparu en 1987. Les quinze chansons composant l’album retraçaient la vie de Drella -le surnom de Warhol, contraction de Dracula et de Cinderella-, tout en reflétant les relations et les sentiments des deux musiciens à l’égard de celui qui avait été leur mentor. L’enregistrement devait faire l’objet de quelques concerts, à la St. Ann Church de Brooklyn et au BAM Opera House dans un premier temps.

Le document filmé qu’en a tiré Lachman reste assurément un modèle du genre. Cadrant au plus près John Cale et Lou Reed, le premier au piano, au violon et au chant, le second à la guitare et au chant, le cinéaste réussit à cerner tout à la fois la complexité de leur relation et la connexion profonde les unissant, dans ce qui reste un moment rare de cinéma intimiste. Sobre et minimaliste, tout au plus relevée de visuels inspirés de Warhol, et alternant le noir et blanc et la couleur, la mise en scène s’efface au profit des chansons, pour en faire ressortir la puissance évocatrice, de Smalltown à Forever Changed en passant par Work ou Faces and Names. La beauté nue également, en écho sensible à la douleur. Redécouvrir ces images tient dès lors du moment privilégié, assorti d’un trouble profond. Voisin d’ailleurs de celui suscité par The Velvet Underground, le documentaire de Todd Haynes que l’on peut voir sur Apple TV+, et qui constitue le compagnon tout trouvé de ce Songs for Drella, l’un et l’autre semblant suspendus entre mélancolie et éternité.

D’Ed Lachman. Avec John Cale, Lou Reed. 1990. 56 minutes. Disponible sur Mubi.

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