Derrière la collection de costards de Henk Hofstede, le leader de The Nits, bat un vrai cour européen… En concert à Bruxelles.

The Nits c’est un peu l’Europe sans les règlementations interminables, ni les tire-au-flanc anglais: des Néerlandais volants qui cartonnent au cours de pop. Mélodies imbattables, textes cultivés, son et vision, charme, décloisonnement en parlant sans prétention d’architecture ou de peinture, ils ont même eu des tubes ( Nescio). Ils collectionnent aussi des albums qui feraient rougir n’importe quel groupe anglo-saxon abonné à la couverture du NME. Peu de poses, beaucoup de savoir-faire. Le 23e album est plus excitant que son titre ( Doing The Dishes, Faire la vaisselle): en notre compagnie, Henk rince quelques souvenirs et autant de photos.

u Doing The Dishes chez Sony-BMG, en concert le 6/03 à l’Ancienne Belgique à Bruxelles.

uwww.nits.nl

1. PUNK ET CLASSE OUVRIèRE 1979

 » On enregistrait Tent , notre véritable premier album paru en 1979 (1). On avait commencé par imiter les groupes anglais – The Beatles, The Move -, en faisant des chansons courtes et enlevées. Puis, on a été assimilé au punk, ce qu’on n’était absolument pas. Cela ne nous empêchait pas d’être couverts de crachats aux premiers concerts… Je viens de l’est profond d’Amsterdam et donc, contrairement, à ce que pensaient les journalistes, pas d’un milieu bourgeois mais d’une classe plus laborieuse. Mes parents possédaient une petite entreprise de construction et de charpentage. Pendant l’été, je bossais sur les chantiers. J’ai grandi dans les airs des opérettes allemandes (rires) : enfant, j’ai joué dans ce genre de productions, mes parents étant également en scène, mon père portait une fausse moustache. Ensuite, j’ai aimé le folk anglais, les Beatles, Bob Dylan et Nick Drake. »

(1) Ils ont d’abord publié The Nits en 1978 qu’ils considèrent davantage comme une maquette que comme un véritable album

2. FA-FA-FASHION 1980

 » J’ai commencé à acheter ces vestons bizarres dans une échoppe d’Amsterdam qui écumait l’Europe pour trouver des costumes de seconde main. La plupart du temps, ils viennent de Milan mais aujourd’hui, je porte un Paul Smith (fashion designer anglais) , originaire d’un pays qui nous a toujours snobés (rires). Sur la photo, c’est la période New Flat, je reconnais les chaises style Bauhaus et la table que le coiffeur de mon vieux quartier avait mise aux poubelles. C’est nettement inspiré par Kraftwerk, l’idée d’homme-machine. On essayait de trouver la connexion entre eux et notre culture visuelle néerlandaise, Mondrian, De Stijl. D’une certaine façon, on reproduisait le lien entre l’Allemagne et les Pays-Bas d’avant-guerre où les maisons étaient construites sur la ligne d’une « beauté sobre ». Quand on a fait In The Dutch Mountains (1987), on a eu beaucoup de succès en Allemagne. »

3. FAUT BOUGER 1983

 » C’est la période de Omsk (1983), nous avions été rejoints par Robert Jan Stips de Golden Earring (Ndlr, groupe néerlandais qui eût un hit mondial avec Radar Love en 1974) et avions fait ce tube Nescio , presque aussi commercial que l’album In The Dutch Mountains vendu à plus de 250 000 exemplaires en Europe… Cette photo a été prise dans un club aux Pays-Bas, l’un des milliers de concerts que nous avons donnés. C’est le début d’une grande migration européenne: en Finlande, au Danemark, au nord, en Estonie, en Autriche, à Budapest, Prague ou Paris. Quand on a véritablement commencé à tourner en Europe, à la fin des années 70, tout semblait désorganisé, post-hippie, très loin de l’actuelle orientation business… On dormait dans des clubs allemands où circulaient des rats! »

4. UN GROUPE FéMININ 1986

 » Cette photo a été prise en Grèce où nous nous produisions avec notre bassiste Joke Geraets, membre du groupe entre 1986 et 1990, période où nous avons été emportés par une véritable tempête de concerts et prestations télés. J’ai toujours pensé que la présence d’une femme dans un groupe comme le nôtre changerait l’atmosphère. On serait moins un groupe de foot ou de hockey. Je n’ai jamais aimé cette mentalité entre mecs. On a même eu une roadie femme qui conduisait le camion de matériel. Je pense que notre musique est plus féminine que masculine, on soigne les couleurs, les contours, on n’impose rien par la force. »

5. VAISSELLE ET POLITIQUE 2008

 » On a toujours évité d’être influencés par la politique, même si par l’histoire de ma famille, je vote plutôt PVDA (Ndlr, la gauche néerlandaise). Je pense que les vieilles protest-songs – y compris The Times They’re A-Changin’ – sont un peu fatiguéesMais sur le nouveau disque, The Flowers parle de ces jeunes soldats néerlandais de vingt ans qui vont mourir en Afghanistan. Je trouve cela terriblement injuste.

A la maison, je m’occupe du lave-vaisselle… Les dernières photos qui nous montrent attablés sont un clin d’£il à l’une de nos vieilles vidéos et aussi à Gilbert & George (Ndlr, les enfants terribles de l’art anglais contemporain), même si j’ai moins d’argent qu’eux.Aux Pays-Bas, la religion avait presque entièrement disparu et elle revient maintenant avec l’Islam. Nous ne voulons pas abandonner les acquis des années 60, j’avais dix-sept ans en 1968. J’ai grandi dans une famille athée et j’ai pris conscience de la religion en étudiant l’art, plus tard. Il est important de conserver les libertés… Les Nits, c’est aussi cela. »

ENTRETIEN PHILIPPE CORNET

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content