Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Kinks size – Sans le groupe de Ray Davies, ni Blur ni Oasis ni The Libertines n’auraient eu cette extrême obligeance anglaise…

Distribué par Universal.

Il y a un défaut flagrant, majeur, à ce coffret: les paroles des chansons n’y sont pas. C’est d’autant plus frustrant que les textes de Ray(mond) Douglas Davies, la tête chantante de Kinks, comptent énormément dans la légende construite autour de ce groupe contemporain des Beatles, des Stones et des Who. Numéro quatre dans la liste des grands animaux british des sixties, The Kinks sont sans aucun doute au top en matière d’influence littéraire sur la pop du 20e siècle. Comme dans tous les bons jeux de pistes, les premiers indices sont trompeurs. Ainsi, lorsque la formation décroche son premier hit massif en août 1964 avec You Really Got Me, on pense à une simple éruption d’acné rock, cousine du garage US, aussi crue que les bouteilles de Coca-Cola que Ray met en évidence pour gonfler son sex-appeal masculin. Pire: le morceau est l’un des fondateurs de cette bizarre maladie, très populaire depuis les années 1970: le stadium rock. S’il n’était question que de testostérone portée par des mecs aux cheveux longs et pantalons trop moulants, on pourrait directement aller à la case fin. Mais l’écriture de Ray, les riffs sales de son frère ennemi Dave, plus l’accomplissement docile de musiciens londoniens généralement aussi aptes à l’instrument qu’au lever de coude, bâtissent des grands fonds.

Espoir et contrition

Ces six CD et leurs 138 morceaux datés de 1964 à 1994 (avec quatre inédits), plongent dans le grand fatras kinkesque, mélange abusif de cabaret sauvage, d’épanchement heavy et de mélancolie anglaise. C’est clairement dans ce dernier secteur que Ray Davies accouche d’une série de titres majeurs inspirés directement de sa propre existence: il est cadet de six s£urs et aîné du petit Dave, né le 21 juin 1944 à Fortis Green, quartier populaire du Nord de Londres. L’héritage de la guerre, la reconstruction d’Albion, le manque de perspective d’une société encore très hiérarchisée et privée de fantaisie – hors la musique, jouée en famille – sont déterminants dans l’univers à la fois contrit et plein d’espoir qu’il décrit avec un talent plus proche de Charles Dickens que de Gary Glitter. Tout cela est drainé par des ballades naturellement spleen dont les perles sixties ne sont assurément pas pour les cochons: preuves multipliées par les merveilleux Sunny Afternoon, End Of The Season ou Waterloo Sunset que Davies reprendra bien plus tard en acoustique avec Damon Albarn. S’il contient aussi des chansons cul-de-sac, le coffret remet à jour les trouvailles musicales et textuelles (et parfois même un peu sexuelles) comme ces Lola et autres titres vernaculaires réanimés dans l’actu cinématographique récente via l’excellent Darjeeling Limited de Wes Anderson . Et puis l’humour de Ray… Il suffit d’entendre la version live d’ Alcohol – arrosée d’accords tziganes – ou le commentaire ironique sur la célébrité qu’est Celluloid Heroes, pour comprendre que les Kinks n’ont rien perdu de leur indémodable acuité musicale. Et british.

www.raydavies.info

Philippe Cornet

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