
Distribué par sony.
Concocté avec la chanteuse des Kills, le nouveau quatuor de l’infatigable Jack des White Stripes évoque un relifting de la maniaquerie heavy blues inventée il y a 40 ans par Led Zeppelin. En ce sens, qualifier The Dead Weather de sous-groupe ne serait pas faire justice à ce nouveau disque rougeoyant, sorti d’un film graisseux et sensuel qui raconterait le mariage en secondes noces du blues et du metal, ces vieux amants occasionnels. C’est – sorry Jack – plus excitant que la rock’n’roll attitude métronomique des Raconteurs. Ici, le produit fini, 11 chansons en transpiration, met un tigre (mutant) dans le moteur dès la première plage. 60 Feet Tall charrie des courants vocaux plein d’alluvions du Delta, servis par Alison Mosshart, moitié des Kills. Elle ferait une assez bonne version féminine de Robert Plant, toute en corolles de décibels spectaculaires: Alison, main sur la hanche et visage blanche porcelaine, attrape les notes de la haute négritude avec un coffre qui dépasse son physique. Alison, en sueur, défonce de sa voix les mélodies, un peu honteuse de ce pouvoir pas banal. Pendant ce temps-là, réfugié derrière la batterie (…), Jack White joue le Bonham alternatif et frappe les caisses avec la délicatesse d’un débiteur d’arbres bio. Tout en chantant ci et là. L’un des principes appliqués par le quatuor, c’est que cela cogne, suinte et sue à chaque titre. Dans cette petite entreprise, les glandes surrénales – celles qui gèrent le stress des mammifères – sont mises à rude épreuve. Simplement parce que le disque ne donne pas d’emblée toutes ses clés. Chez TDW, aucun sentiment d’être embarqué sur l’autoroute sonore monomaniaque, caractéristique de 80 % des groupes. Cette imprévisibilité fait du bien. Le son est beau, écorché, gueule de bois, rétro primitif comme il faut. Une sorte d’Heavy Cromagnon qui sent les amplis à lampes poussés à onze. Tout cela est consciemment bâti avec deux autres cocos: le bassiste/guitariste Jack Lawrence, venu des Raconteurs, et Dean Fertita, multi-instrumentiste, qui bourlingue habituellement dans Queens Of The Stone Age. On peut sans doute trouver aux morceaux un manque d’impact mélodique mais la tambouille électrique finale a de l’allure: reggae biaisé ( I Cut Like A Buffalo), menace collective sous vocaux flingueurs ( Treat Me Like Your Mother), faux tube pour paraplégiques hors compétition ( New Pony) ou instrumental vénusien ( Birds). Et même une chanson qui sonne avec des accords africains emmenés vers l’Amérique de toutes les promesses ( Will There Be Enough Water). C’est d’ailleurs le seul moment où Jack White joue – officiellement – d’autre chose que de la batterie: dans ses accords de guitare acoustique se lit l’intrépidité du vrai talent. Bien que trempé de blues US, cet album donne l’impression d’aller vers des terres humides et peu fréquentées. C’est tout son mérite.
www.thedeadweather.com
Philippe Cornet
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