A rebours – Adaptant F. Scott Fitzgerald, David Fincher signe une fable virtuose sur le temps, l’amour, et le néant, avec en son cour un homme rajeunissant…

De David Fincher. Avec Brad Pitt, Cate Blanchett, Tilda Swinton. 2 h 39. Dist: Warner.

Evénement de ce début d’année, The Curious Case of Benjamin Button voyait David Fincher donner une inflexion inattendue à son parcours, le réalisateur de Seven, Fight Club, et autre Zodiac s’aventurant du côté de la fable, à teneur hautement romantique encore bien. Adapté d’une nouvelle de F. Scott Fitzgerald, le film entraîne le spectateur à la Nouvelle-Orléans, au dernier jour de la Première Guerre mondiale, moment où naît Benjamin Button. Rien que du fort banal jusque-là, si le nourrisson n’arborait les traits ravinés d’un vieillard, pour d’ailleurs être abandonné par son père à la garde… d’une maison de retraite.

Ses tuteurs ne sont pas au bout de leurs surprises, puisque le bambin grandit à rebours, rajeunissant et remontant insensiblement le cours de l’existence, à l’exact opposé de ses semblables, donc. Ce qui ne l’empêchera pas de rencontrer, chemin faisant, Daisy, amour exclusif autour duquel se cristallise la difficulté de sa condition: à défaut de suspendre le temps, ces-deux là sont en effet confrontés à l’impossibilité de pouvoir s’accorder…

Féerie consensuelle

îuvre foisonnante, Benjamin Button brasse joliment des interrogations sur le temps et l’existence dans son irrésistible appel vers le néant, en même temps qu’il offre à Fincher matière à faire étalage (discret) de sa virtuosité. Il en résulte une incontestable réussite plastique, touchée par endroits par la grâce et atteignant même à l’occasion à la magie pure, non sans vibrer du souffle passionné de Cate Blanchett et Brad Pitt. Singulier et féérique, le film manque toutefois quelque peu de personnalité, semblant hésiter entre Forrest Gump (dont le scénariste, Eric Roth, est aussi celui de Benjamin Button) et Big Fish – la comparaison avec Burton n’étant nullement fortuite, tant on a le sentiment que le cinéaste de Edward Scissorhands aurait pu tirer à lui pareil sujet. Jusqu’à, en dépit d’une stimulante étrangeté et d’une non moins remarquable ingéniosité, apparaître comme le film le plus consensuel de son auteur, constat n’ayant rien d’injurieux au demeurant.

Outre le commentaire audio de David Fincher, l’édition en deux DVD de Benjamin Button comprend un documentaire à la mesure du film, soit quelque 3 heures retraçant la genèse, le tournage et la post-production du projet, en une débauche d’informations passionnantes. On y découvre par exemple comment, serpent de mer réapparu à intervalles réguliers pendant 20 ans dans le paysage hollywoodien, le scénario intéressa tour à tour Frank Oz, Steven Spielberg (avec Tom Cruise dans le rôle principal), Ron Howard et autre Spike Jonze – on imagine les visions différentes qui auraient pu en résulter. Ou encore les raisons qui incitèrent les producteurs à déplacer le cadre de l’action de Baltimore à la Nouvelle-Orléans.

Plus anecdotique, on apprend encore que si le remorqueur du film fut baptisé le Chelsea, c’est parce que Jared Harris, qui en interprète le capitaine, était un supporter acharné de Manchester United. Qui a dit que David Fincher n’avait pas le sens de l’humour?

Jean-François Pluijgers

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