AUTEURE DE DRAMES APPUYÉS, SUSANNE BIER S’ESSAYE À LA COMÉDIE ROMANTIQUE AVEC UN FILM AU TITRE ÉLOQUENT, LOVE IS ALL YOU NEED, PROFESSION DE FOI EN FORME D’ANTIDOTE À LA MOROSITÉ.

De After the Wedding à In a Better World, la filmographie de Susanne Bier est pavée de drames sensibles et forts, la main fut-elle parfois un peu lourde. Une formule à succès, en tout état de cause, puisque à la notoriété locale s’est superposée la reconnaissance internationale, sanctionnée notamment par le prix Sundance du public pour Brother dès 2004 ou, plus significatif encore, l’European Award du meilleur film et l’Oscar du meilleur film étranger accordés à In a Better World en 2010. Succédant à ce dernier, Love Is All You Need voit la réalisatrice danoise varier les registres puisque, comme le laisse entendre son titre, il plane sur ce nouvel opus un souffle de légèreté inusitée. C’est de comédie romantique ensoleillée qu’il est en effet ici question, les circonstances -le mariage de leurs enfants- se chargeant de réunir sous les cieux bienveillants de Campanie une femme et un homme que tout séparait a priori, n’étaient les blessures de la vie. « Il m’est apparu particulièrement opportun de faire un film comme celui-ci en ce moment précis », répond Susanne Bier à qui l’on fait remarquer qu’on ne l’attendait guère sur semblable terrain. « Nous connaissons une période de récession où les gens traversent indéniablement une passe vraiment difficile, et j’ai eu le sentiment qu’il convenait de faire un film porteur d’espoir. Je ne suis pas particulièrement cliente de comédies romantiques dont les deux protagonistes ont 25 ans, rayonnent de beauté et sont entourés d’amis sexy avec le monde à leurs pieds, le tout étant de trouver le bon partenaire pour que la vie soit sur les rails. Je trouve cela mortellement ennuyeux, ou peut-être suis-je simplement trop vieille. Mais je suis sensible aux films recelant un élément d’espoir et qui traitent de questions anxiogènes de manière délicate ou aimable. »

La coiffeuse chauve

Soit l’exact profil de ce Love Is All You Need dont les protagonistes sont l’une, une femme en butte à un cancer et à un mari volage; l’autre, un homme que la disparition de son épouse a laissé comme absent. Manière, on l’aura compris, d’ancrer la romance dans un réel dramatique, encore que la réalisatrice ait veillé, pour le coup, à ne point trop charger la barque. « Nous sommes partis du cancer pour ne venir à la comédie romantique qu’ensuite, explique-t-elle à propos du travail d’écriture, mené avec son scénariste habituel, Anders Thomas Jensen. Le cancer est une réalité bien présente, c’est une angoisse qui nous est familière: nous connaissons tous quelqu’un qui en souffre. Nous voulions faire un film à ce sujet, sans que ce soit un drame, et sans aliéner les spectateurs pour autant. » A cet égard, l’appellation originelle du film – La coiffeuse chauve (ou, pour les puristes, Den skaldede frisor)- était sans doute plus conforme aux intentions de la réalisatrice, laquelle ne cache d’ailleurs pas qu’elle la préférait largement à sa déclinaison internationale, « mignonne ». « Beaucoup de distributeurs internationaux ont trouvé le titre danois trop effrayant. Je l’aimais pour ma part beaucoup parce qu’il posait d’emblée la question du cancer tout en induisant la présence d’humour. »

On y ajoutera par ailleurs le facteur charme, auquel n’est certes pas étrangère la présence de Pierce Brosnan au générique. « Je n’ai donné mon accord définitif pour faire le film qu’après avoir eu l’assurance qu’il en serait, observe Susanne Bier. Avec une comédie romantique, on sait comment cela va se terminer; le plaisir réside donc dans la manière d’y arriver. J’avais envie de voir James Bond dans sa dimension humaine rencontrer cette femme qui semble, au départ, avoir tout perdu, pour ensuite pouvoir jouer de cela. J’avais le sentiment que cette combinaison allait bien fonctionner. » Intuition qui se vérifie à l’écran, où le port décontracté de l’acteur, associé à la présence de Trine Dyrholm et l’écrin que leur offre Sorrente, produit des petits miracles -pour peu, l’on aurait presque envie d’y croire. « J’ai voulu faire un film qui n’ait pas honte d’être romantique, conclut la cinéaste. Une fois dans cette disposition d’esprit, il y a eu une vraie joie à le tourner sans l’infuser par une sorte de cynisme déplacé. Je sais que certains s’en détourneront pour cette raison même, mais je me suis sentie totalement libre de faire ce que je voulais, et j’y ai pris un immense plaisir. »

LIRE LE PORTRAIT DE PIERCE BROSNAN DANS LE WEEKEND DE LA SEMAINE DERNIÈRE.

RENCONTRE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS, À VENISE

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