Parfois, le sous-titre du film dérape dans un français calamiteux, parfois, c’est encore plus simple, il n’y en pas…

de Philippe Cornet

 » L e suis le numéro un« ,  » Colombiens de merde sont partout« ,  » Il avait l’air de clodo« ,  » Il t’asfait peur« ,  » Je vais au comptable pour l’argent« ,  » On utilisse les baguettes« ,  » Ne bougez ou jetire« : voilà quelques sous-titres français extraits du film italien Gomorra, description âpre des m£urs de la camorra napolitaine. Ici, le crime est omniprésent: dans les images du film, bien sûr, mais aussi dans la traduction: fautes d’orthographe et de grammaire, ponctuation approximative, conjugaison au féminin alors que c’est un homme qui parle, illogismes perturbants ( » Il a 50 centimesdans la caisse » disent les braqueurs avant de passer à l’action…). Gomorra a été sous-titré aux Pays-Bas, nation qui ne semble pas compter de traducteur francophone compétent. ABC, le distributeur belge qui récupère des copies sous-titrées chez les Bataves pour notre pays, donne sa version des choses:  » On ne sait plus ce qu’on doitfaire… en tant que distributeurs, on paie des native speakers professionnels (sic), et puis il y a aussi des erreurs de frappe… » Manière peut-être simpliste de se dédouaner de leur responsabilité finale. Autre dérive inquiétante, les films wallons n’arrivent plus que rarement à franchir la frontière linguistique: les distributeurs flamands ne trouvent pas l’affaire rentable, ils refusent donc d’investir. Un film francophone ou français sortira – éventuellement – à Anvers, Gand et Bruges si les Hollandais procèdent à la traduction pour leur propre marché, il est vrai, trois fois plus peuplé que celui de leur voisin flamand.  » Depuis trois ou quatre ans, on arrive de plus en plus difficilement à sortir en Flandres, explique un producteur de fiction basé à Liège. Le problème n’est pas seulement la traduction du film, mais son adaptation. » La qualité du sous-titrage est aussi importante que celle de la photo ou du jeu des acteurs, ce n’est pas un simple rendu mécanique ou linguistique. C’est une vision personnelle du travail cinématographique.

Anglais intégral

La culture du sous-titre est également boiteuse à la télévision où règne l’épidémie du doublage. Dorénavant, même les chaînes publiques façon RTBF, France Télévisions ou ARTE, trouvent le sous-titrage  » difficile pour les spectateurs » et recourent donc à des versions doublées, avec tout le problème récurrent de décalage entre voix françaises et acteurs originaux. Le doublage réduit l’univers sonore du film et parfois, la voix plaquée sur le corps détruit le mystère, les enjeux, le sens même du récit. Bon, dans le rock, c’est plus simple. Ils font des films documentaires qui sortent directement en DVD sur le marché belge. De grosses boîtes comme Universal ou Warner distribuent les groupes connus – Arcade Fire, Wilco – directement en langue originale anglaise sans la queue d’un sous-titre. Ou d’un doublage. C’est donc croire naïvement que le public belge est intégralement anglophone ou, plus crûment, n’y accorder aucune espèce d’importance.

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