Lundi soir, l’Ancienne Belgique accueillera l’un des 15 groupes à voir sur scène avant de mourir. C’est du moins ce qu’indiquait dans ses colonnes le magazine Q, jamais avare d’un petit top. Des aliens et des pères Noël qui dansent sur de la pop futuriste, des projections délirantes, un chanteur qui marche sur la foule dans une bulle de plastique transparente… C’est un peu à ça, une grande célébration festive et déjantée, que ressemble un concert des Flamings Lips. Les Américains prévoient même une formule avec l’arrivée de Wayne Coyne, leur chanteur, en hélicoptère. Les Lèvres en feu embrassent et embrasent chaque représentation avec la même folie. Loufoque et communicative. On a d’ailleurs vu des tourtereaux monter sur scène entre 2 morceaux pour s’y demander en mariage.

 » A priori, la spectacularisation est juste un phénomène profondément humain, estime Philippe Kopp de Live Nation. On veut toujours proposer un petit truc auquel les autres n’ont pas encore pensé. Et à un moment, les artistes ont eu l’impression d’avoir fait le tour en matière d’éclairages. Le métier s’est structuré. On a vu apparaître de nouvelles fonctions. Des scénographes se sont mis à bosser sur les concerts. Et puis, les places sont de plus en plus chères. Il faut en justifier le prix, apporter une valeur ajoutée. » ça ne se traduit pas toujours par des efforts dans la mise en scène. Si, en France, le principe du « spectacle total » semble avoir été régulièrement assimilé, que ce soit par M, Olivia Ruiz ou Sliimy, on n’en a pas moins le sentiment que les Anglo-Saxons font atterrir le budget déco sur leur compte en banque pour compenser leurs ventes de disques catastrophiques. Et dire qu’il y a 10 ans, aux Halles de Schaerbeek, Beck se la jouait à la Prince et faisait descendre du plafond un lit drapé de velours.

Une manière de s’effacer

 » Le contexte économique fait qu’il est difficile de vivre en tant que musicien, explique Daniel Offerman des Girls in Hawaii. Les premières choses sur lesquelles les groupes font généralement des économies, ce sont les lumières, le décor, la vidéo. Ils nécessitent du personnel, représentent des frais. Des soucis aussi quand il faut s’adapter aux circonstances, à un concert en festival en plein milieu de l’après-midi. Pour les Anglais et les Américains, la réalité est cruelle. La concurrence rude. L’intervention étatique et les subventions sont limitées pour ne pas dire rares. Et les groupes jouent souvent dans des bars alors que nous nous retrouvons rapidement en Belgique dans des centres culturels bien équipés. »

Ils ne sont tout de même pas 36 chez nous à s’être créé un univers aussi évocateur que les Girls sont parvenus à le faire avec le remarquable travail d’Olivier Cornil. Les Brabançons viennent justement de jouer à Varsovie dans un festival dédié au mélange des arts musicaux et visuels.  » Au tout début, nous ne savions pas trop comment nous mettre en scène, se souvient Daniel. Nous avons commencé avec des mini TV et des magnétoscopes dont nous devions changer les cassettes après chaque chanson. ça nous allait bien et nous mettait à l’aise. Nous ne sommes pas les musiciens les plus poseurs du monde. Nous voulions quelque part nous cacher derrière ce dispositif. Nous effacer au profit de la musique et de ce petit univers. Tout le monde disait notre musique très visuelle. Puis Antoine, qui a étudié le graphisme à La Cambre, et Lionel, photographe de formation, ont une sensibilité toute particulière à l’image. »

Une identité forte

 » A l’AB aujourd’hui, relativement peu d’artistes débarquent avec de gros décors, constate Kurt Overbergh, l’un des programmateurs. Ils ont plutôt tendance à jouer sur le light show. Que ce soit impressionnant pour en jeter plein la vue ou plus subtil pour créer une atmosphère. Il y a évidemment une question de coût. Coût du matériel. Puis aussi de son transport, des montages et démontages. Les grands shows sont pour Forest National, le Sportpaleis et le stade Roi Baudouin. »

Pour U2, les Stones, Johnny Hallyday. Ou déjà Nine Inch Nails…  » Trent Reznor voulait transformer la scène en instrument, explique l’un de ses collaborateurs. Il voulait pouvoir manipuler les visuels lui-même pendant la performance avec ses mouvements, sa musique. Créer un monde commun au son et à l’image. Une espèce de langage universel et synchrone.  »

Au-delà des grosses machines, des tournées pharaoniques, Philippe Kopp distingue grosso modo 2 tendances. D’un côté, les artistes, parfois encore jeunes, qui débarquent dans des jauges de taille moyenne avec 3 semi-remorques.  » Pas juste du son et des lumières. Ils emmènent avec eux un décor qui sera amélioré, adapté ensuite aux salles plus grandes. » De l’autre, les groupes qui décident de laisser parler la musique.  » Et c’est l’essentiel. Ils développent éventuellement de petites idées qui peuvent en remplacer de grandes. Mathieu Chédid à ses débuts emmenait avec lui des fleurs qui dansaient au rythme de ses chansons. C’est un truc de gosse mais qui vous plonge dans un univers. »

L’électro a sans doute plus que les autres besoin d’une identité visuelle forte. On pense que les DJ’s voyagent avec une petite valise. Les Chemical Brothers se déplacent en Antonov, avion cargo, transporteur lourd. La pyramide est à Daft Punk ce que la croix est à Justice, une marque de fabrique. Les premiers ont leurs casques. Les seconds se donnent une image rock en se cachant derrière un mur d’amplis Marshall.

Un bon concert n’est pas nécessairement un grand spectacle et un grand spectacle n’est pas, non plus, gage d’un bon concert. Parfois, on n’assiste même pas à un concert du tout. Les reines du play-back, les Britney Spears et autres Lady Gaga, mettent tout dans les paillettes et les chorégraphies quitte à, au passage, y perdre la voix.

 » J’ai récemment assisté à un concert de Grand Corps Malade, remarque Philippe Kopp. Il n’avait pour accompagnement que des spots à l’ancienne mais c’était aussi beau que toutes les lumières informatisées du monde. Il bossait avec un vieux de la vieille aux doigts d’or. Un mec qui avait longtemps accompagné Nougaro. »

En attendant, on adore qu’Hendrix crame sa guitare, que les Who dévastent leur matos et qu’Iggy déballe le sien. Ce qu’on veut consciemment ou non c’est qu’il se passe quelque chose d’extraordinaire. D’unique. Du moins à nos yeux. Quitte à ce que ce soit dans la foule.

Les Black Lips ont agité la blogosphère grâce à des concerts givrés où ils se soulageaient et vomissaient sur scène quand ils ne faisaient pas couler le sang (le leur). Des abus qui, s’ils leur ont fermé les portes de quelques établissements, les ont aidés à construire leur petite légende sans écran LCD. The show must go on…

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