Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

L’AUSTRALIEN CHET FAKER SORT SON PREMIER ALBUM, PARFAIT CONCENTRÉ DE « COOL » ÉLECTRO-FOLK-SOUL, TRAÎNANT ET ÉLÉGANT.

Chet Faker

« Built On Glass »

DISTRIBUÉ PAR PIAS.

8

Il y a d’abord ce pseudo, trop beau pour être vrai. Dans le même genre, on connaissait déjà Joy Orbison, le producteur londonien sans lien aucun avec le binoclard magnifique. Voici maintenant Chet Faker, musicien-producteur de Melbourne. Là aussi rien à voir avec la référence originale, la légende du jazz à la voix aussi angélique que le comportement caractériel. A première vue, Nicholas Murphy (1989) ne partage aucune des tendances autodestructrices de son modèle. Le pseudo n’en reste pas moins un hommage revendiqué. Derrière sa barbe de folkeux, Murphy avoue être fasciné par le cool du crooner jazz, ce velours ultra classe. Une authentique élégance qui lui permettait de se frayer un chemin dans les salons de cocktails tout en grattant la couche superficielle des sentiments. A peu de choses près, c’est aussi l’ambition de Built On Glass, premier album électro-soul au pouvoir de séduction capiteux.

A little deeper

Cela fait un petit moment que l’Australien Chet Faker fait parler de lui. La première fois, c’était avec sa reprise du No Diggity de Blackstreet, classique du r’n’b nineties. C’était plutôt bien vu. Voire carrément dans l’air du temps, depuis que des blancs-becs comme The xx (Jamie xx) ou James Blake ont popularisé l’idée que le r’n’b était soluble dans l’électro -du moins si le tempo était d’humeur mélancolique et traînante. Avec Built On Glass, Murphy confirme cette option, tout en lui donnant une couleur plus « chaude ». Talk Is Cheap, par exemple, est ce qui se rapproche peut-être le plus d’un titre de James Blake en version « balearic » (vous le voyez, le coucher de soleil?). Juste avant, Release Your Problems assume encore plus franchement son crooning nu soul, augmentant sensiblement la température de la pièce dans laquelle il est joué, tandis que le crapuleux Dead Body se traîne à la manière d’un morceau de D’Angelo (solo de guitare compris).

Au milieu du disque, un interlude, intitulé « /, » simule l’aiguille du tourne-disques frottant le vinyle, avant qu’une voix confirme: « This is the other side of the record. Now relax still more and drift a little deeper as you listen. » C’est le moment que Chet Faker choisit pour pousser un peu plus loin l’exercice. Dans sa seconde moitié, Built On Glass brise en effet un peu le carcan dans lequel il risquait de s’assoupir. 1998 lorgne par exemple plus franchement vers la house. Long de près de huit minutes, Cigarettes & Loneliness s’émancipe encore plus clairement du format de départ, tandis que Lesson In Patience est transcendé par un saxo aérien et rêveur (rappelant le I’m Comin’ Down de Primal Scream).

Certes, même dans ces moments-là, tout coule, tout roule -parfois jusqu’à l’effacement. Mais c’est aussi à ce prix que Built On Glass peut se positionner comme l’un des albums les plus intrinsèquement cool sortis ces derniers mois.

LAURENT HOEBRECHTS

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