LA RUE EST À NOUS. QUE LA JOIE VIENNE. LA RENTRÉE DE LA SCÈNE INDÉ A SONNÉ. ON VOUS PRÉSENTE 3 ÉLÈVES À SUIVRE. À COMMENCER PAR LE ROCKEUR VINTAGE PALESTINO-PHILIPPIN HANNI EL KHATIB. LA CLASSE AMÉRICAINE.

1. Mars dernier. Austin. South by southwest. Retardé par la ponctualité plutôt approximative du rappeur perturbateur Tyler The Creator, on arrive à la bourre à notre rendez-vous avec Hanni El Khatib. Une centaine de gugusses fait la file devant l’ancienne résidence des représentants français au Texas aujourd’hui devenue musée tandis que le rockeur au teint mat est en train de se faire la malle:  » Je vais jeter un £il à Dirty Beaches, tu viens avec? » Un petit tour en van, un one man band qui fait du Suicide et quelques rhums plus tard, le garçon raconte sa vie sur le porche d’une maison texane. Hanni est californien. Originaire de San Francisco. Il est aussi le premier de sa famille à être né aux Etats-Unis. Sa mère vient des Philippines. Son père, ingénieur en électronique attiré par la Bay area et sa Silicon Valley, de Palestine.

 » Je n’ai jamais mis un pied dans ces pays. Chaque fois que je pensais y voyager, des trucs de dingues sont arrivés. La première fois, je devais partir en Palestine pour les funérailles de mon grand-père et l’Irak a envahi le Koweït. La deuxième, je planifiais tout depuis un mois quand sont survenus les attentats du 11 septembre… C’est une excuse de merde. Mais je le sentais pas trop. Quant aux Philippines, je devais y aller avec ma mère quand un membre de la famille, une journaliste, y a été kidnappée alors qu’elle enquêtait sur une secte talibane.  »

Ses vieux venant de 2 pays différents et essayant d’apprendre la langue de leur patrie d’adoption, Hanni est élevé en anglais.  » Je n’ai jamais été exposé à la musique de mes 2 pays d’origine. Ma mère était fan de pop sixties. J’ai grandi avec les Zombies.  »

Son éducation, son érudition musicale, c’est le skate qui les nourrit.  » Le skate était très éloigné de leur culture mais mes parents se sont toujours montrés très ouverts.  »

Au collège, Hanni étudie l’art. Pas la musique. Il veut devenir directeur artistique. Bosse dans la pub, le design graphique et devient il y a 6 ans chef de création pour une boîte de skateboard, HUF, créée par son pote le professionnel Keith Hufnagel.  » Je touchais vraiment à tout. Je dirigeais le marketing, gérais les visuels, dessinais les frusques. Je m’intéresse aux vêtements très classiques américains inspirés par les tenues de travail et les vêtements de l’armée. Ces trucs dont le principe de fabrication était basé sur la fonction…  »

Nostalgie et savoir-faire

Le rockeur californien commence par enregistrer un album folk pour passer le temps. Ses chansons, il ne les vend pas. Il les donne. Puis passe à l’électricité et signe chez Innovative Leisure.  » J’ai sorti un 45 tours. Tourné un clip. Et une de mes b-sides s’est retrouvée dans Hung, le feuilleton HBO. Ça aide à se faire remarquer.  » Comme de quitter Frisco où tes potes sont des skateurs pour t’installer à Los Angeles. Là où ça se passe.

Passionné par le rock d’antan, la soul d’hier et le blues des aînés, Hanni adore les vieux girl groups comme les Marvelettes, les Shirelles et les Ronettes. Le doo-wop, Sam Cook, les Sonics et les Prisoners.

 » Je m’intéresse au rap et à l’électro mais je préfère le son d’époque. La manière avec laquelle les anciens travaillaient. C’est une question de grain, d’ambiance, de feeling. » Une question de nostalgie aussi.  » La nostalgie, il est vrai, d’une époque que je n’ai pas connue. J’essaie souvent d’imaginer ce que signifiait vivre dans les années 50 et 60. J’aurais trouvé ça cool mais juste quelques années. Je ne pourrais pas passer mon existence entière au régime rétro…  »

Comme Jack White, à qui son jeu de guitare fait parfois (il suffit d’écouter You Rascal You) furieusement penser, Hanni aime cependant travailler à l’ancienne.  » Tout aujourd’hui est une question de rapidité, d’efficacité. A l’époque, on passait énormément de temps sur les choses… Que ce soit à enregistrer, à construire ou à fabriquer… Il y avait un vrai souci du détail. Je parle de musique mais aussi de vêtements… De tout, en fait. Je designe des fringues et collectionne des trucs vintage. Je m’intéresse donc à la manière dont les choses sont faites. Et il fallait que ça m’obsède. Je tenais tellement à proposer un disque de qualité.  »

Gomina et Chevrolet

Tout chez El Khatib a une classe folle. Les clips hyper stylisés et vintage qui aiment les Chevrolet du passé. La vieille bagnole de flics renversée sur la pochette. Puis surtout cette musique fiévreuse, sexy, qui peut, par moments et pas seulement, reprendre le flambeau des White Stripes, concurrencer les Black Keys. Avec seulement une guitare et une batterie, derrière laquelle s’assied son pote Nicky Fleming-Yaryan, le garçon balance garage rock, blues et doo-wop fifties du meilleur effet. Comme chez son cousin portugais le Legendary Tigerman, il y a du glamour, de la tension, de la niaque, sur les 11 titres (la chanson bonus a servi à une récente campagne de pub Nike) juste parfaits de Will the guns come out. Sortez la gomina. Faites rugir le moteur. El Khatib, qui s’attaque brillamment au Heartbreak Hotel d’Elvis, renoue avec ces temps qu’on pensait révolus où les mecs passaient 2 heures devant la glace avant de sortir et ne rentraient pas à la maison sans avoir gagné quelques courses et crashé une caisse. Oh yeah… l

WILL THE GUNS COME OUT, DISTRIBUÉ PAR BERTUS. ****

WWW.HANNIELKHATIB.COM

LE 26/10 AU MANUSCRIPT (OSTENDE).

TEXTE JULIEN BROQUET

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